Commission EVIN : la FENVAC plaide pour le préjudice pour pathologie évolutive

Le mardi 23 mars, le comité pour l’indemnisation des patients sur-irradiés présidé par M. Claude EVIN s’est réuni pour faire le point sur les procédures d’expertise et d’indemnisation en cours.

60 patients ont déjà fait l’objet d’une expertise et les patients ont jusqu’au 31 décembre de cette année pour demander à bénéficier du dispositif du Comité.

A la demande de la FENVAC avait été inscrit à l’ordre du jour la question du préjudice pour pathologie évolutive.

Au nom de la Fédération, Me BIBAL a pu ainsi présenter aux membres du Comité l’analyse suivante dans l’intérêt d’une meilleure indemnisation, au plus près de l’ensemble des conséquences de la sur-irradiation dans le quotidien des victimes :

" Une première note technique intitulée « Le préjudice de risque » a été présentée au Comité le 10 avril 2009.

Cette note suggérait la mise en place d’une méthodologie d’évaluation du préjudice subi par les surirradiés.

Cette suggestion n’ayant été suivie d’aucun d’effet, la FENVAC, extrêmement attentive à l’indemnisation de ce poste essentiel pour les victimes de risque technologique, souhaite avancer dans l’étude concrète de ce préjudice.

Pour ce faire, il convient de rappeler :

-  La définition du préjudice choisie par le présent Comité du fait de l’adoption du référentiel ONIAM (A)

-  Les éléments de risque subis par les victimes tels qu’ils résultent des études scientifiques (B)

A. Définition du PEV dans la convention d’indemnisation des victimes de l’accident de radiochirurgie stéréotaxique de Toulouse

Le référentiel d’indemnisation de l’ONIAM reconnaît le préjudice consécutif à des pathologies évolutives « dont le risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel ».

Ce type de préjudice existe en dehors de toute consolidation, car il se présente avant et après la maladie.

Il est défini comme étant « pour la victime (…) la connaissance de sa contamination par un agent exogène (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d’apparition ou de développement d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital » (référentiel ONIAM, page 15).

Le référentiel précise : « le montant de l’indemnisation sera fixé en fonction de critères personnels (âge notamment), mais aussi de la nature de la pathologie en cause (risque évolutif, pronostic, etc.) ».

B. Nomenclature de l’étude des risques

En février 2008, l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRNS) a rendu un rapport dans lequel il a réalisé une analyse très détaillée, cohorte par cohorte, des complications secondaires susceptibles de se développer chez les victimes en raison de la surirradiation.

Le risque est variable selon la pathologie traitée mais dans tous les cas ce risque doit faire l’objet d’une indemnisation :

1. Pour la cohorte des 36 patients traités pour un neurinome de l’acoustique

L’IRSN a dressé une liste de patients susceptibles de présenter au cours des quatre à cinq prochaines années suivant le rapport (soit jusqu’en 2013) un risque prononcé d’apparition à terme de complications secondaires (déficits neurologiques au niveau de certains nerfs crâniens : nerf optique, facial, trijumeau, cochléo-vestibulaire, ou des déficits sensito-moteurs résultant de radionécroses cérébrales).

Par conséquent :

-  les pathologies dont ces patients risquent de souffrir sont des pathologies graves

Ainsi il a été identifié une cohorte :

- de 8 patients présentant un risque potentiel de développer à terme une neuropathie du nerf trijumeau
- de 9 patients présentant un risque de développer une neuropathie du nerf facial.

Au total sur l’ensemble des patients traités pour neurinome de l’acoustique :

- 13 patients risquent de développer une neuropathie du VII ou une neuropathie du V
- 2 patients risquent de développer à la fois les deux neuropathies.

- Une morbidité neurologique anormalement élevée

Le rapport précise que pour cette cohorte, la proportion de patients souffrant de neuropathies apparues après le traitement est d’ores et déjà très supérieure au taux de complication secondaires classiquement attendues en radiochirurgie des neurinomes depuis les années 2000.

Ainsi, ces patients doivent faire l’objet d’un suivi clinique vigilant car une portion anormalement importante de la cohorte a déjà développé ces risques.

Ce sont les patients les plus touchés par ces complications secondaires.

-  Ces personnes ont un risque prononcé de développer ces complications secondaires dans les 4 ou 5 années suivant le rapport (soit jusqu’en 2013).

Mais le rapport ne dit pas si ce risque prononcé disparait au-delà de cette période ou s’il ne fait que s’atténuer par la suite.

2. Pour la cohorte des 25 patients traités pour une malformation artério-veineuse

Selon le rapport,

-  Ces patients encourent le risque de développer une pathologie grave puisque la surirradiation a entraîné une dose aux tissus avoisinant la malformation artério-veineuse supérieure au seuil usuellement reconnu comme associé à un risque significatif d’apparition de radionécrose.

Ainsi, 11 de ces patients sont susceptibles de développer une radionécrose.

-  Ces patients doivent faire l’objet d’un suivi clinique vigilant sur une période de 4 ans qui permettra de déceler un éventuel taux anormalement élevé de radionécroses.

-  Le risque d’apparition ne pourra être établi que sur la base d’un suivi clinique sur la période des 4 prochaines années qui permettra de déceler un éventuel taux anormalement élevé de radionécroses.

Mais le rapport souligne qu’un certain nombre de cas peuvent rester asymptomatiques pendant plusieurs années après le traitement.

3. Pour la cohorte des 31 patients traités pour un méningiome

Il ressort du rapport,

-  Les risques de pathologie que ces patients encourent peuvent être avoir différents degré de gravité : troubles de la vue plus ou moins graves et parfois irréversibles, des séquelles d’éventuelles radionécrose et souvent des troubles sensitomoteurs.

Ainsi, un ensemble de 7 patients dont l’irradiation a entraîné une exposition excessive du parenchyme cérébral présente de ce fait un risque significatif de développement de complications secondaires.

-  Ces patients devront faire l’objet suivi clinique vigilant pendant plusieurs années.

-  Le risque de développement de ces complications secondaires est particulièrement significatif dans un délai de 1 à 4 ans.

4. Pour la cohorte des 7 patients atteints d’adénomes hypophysaires et celle des patients traités pour des métastases

L’ensemble des patients de cette cohorte ne semble pas à ce jour une cohorte à risque notable de développer à long terme une radionécrose cérébrale.

5. Pour la cohorte des patients traités pour des métastases

En 2008, 14 patients étaient décédés sans que l’IRSN ait pu établir de corrélation entre le surdosage et la survenue du décès, dû à l’évolution classique de cette pathologie lourde au pronostic généralement défavorable.

6. Pour les 13 autres patients, non classables dans les autres sous-cohortes

Selon le rapport :

-  2 patients sont décédés sans que ces décès puissent être imputés au traitement par radiochirurgie.

-  les 11 autres patients ne présentent pas actuellement de complications secondaires significatives d’un éventuel excès de risque.

Malgré tout l’IRSN juge souhaitable d’assurer un suivi clinique attentif de ces 11 patients, sur plusieurs années.

C. Rappels complémentaires importants

1. Indifférence de principe de l’extinction du risque

Il peut y avoir extinction du risque soit en raison du décès de la victime pour autre cause soit du fait de la sortie théorique du patient de la période de risque.

Mais si le décès de la personne ou la sortie théorique de risque modifient la durée de soumission au danger, elles ne remettent nullement en cause l’existence même du préjudice.

Un critère temporel peut donc être pris en compte pour moduler le quantum de l’indemnisation, mais en aucun cas pour la supprimer.

Par ailleurs, un autre cas d’extinction du risque est l’hypothèse dans laquelle il se réalise effectivement.

Dans ce cas, apparaissent des lésions physiques qui doivent évidemment être indemnisées distinctement.

Mais en aucun cas, cette indemnisation ne peut justifier d’omettre la réparation du risque subi.

En effet, c’est le risque qui est indemnisé et non les séquelles.

Le référentiel de l’ONIAM précise bien que ce préjudice de risque est indemnisable en tant que tel.

Le risque est donc indemnisé indépendamment de l’analyse de séquelles que celles-ci soient consolidées ou non.

C’est ce qu’exprime le terme du référentiel ONIAM « hors consolidation » (et non pas en l’absence de consolidation).

2. L’ampleur constatée du ressenti psychologique

L’IRSN a évalué par le biais d’un questionnaire téléphonique, le ressenti psychologique de chaque patient en fonction de sa pathologie et selon l’échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression Scale).

Les résultats montrent que 24,4 % des patients expriment un ressenti qui pourrait évoquer des troubles de l’adaptation voire une dépression mineure et 41,1 % des patients expriment un ressenti qui pourrait évoquer un épisode dépressif majeur.

Les patients traités pour neurinome présentent les scores HAD les plus élevés avec 48,3 % des patients susceptibles de présenter un épisode dépressif majeur et 24,1 % des troubles de l’adaptation ou une dépression mineure. Leur score très élevé pourrait être lié à la sur-morbidité neurologique généralement observé au niveau des nerfs crâniens.
Les patients traités pour méningiome para-sellaire présentent un score HAD similaire aux patients traités pour neurinome.

Certains patients ont d’ailleurs exprimé leur désir d’avoir un suivi psychologique (Rapport IRSN, février 2008, pages 78 à 83).

On peut également estimer que le suivi clinique sera un facteur de stress et d’angoisse pour ces victimes. Elles redouteront chaque consultation où elles seront susceptibles d’apprendre une dégradation définitive de leur état de santé.

Cette situation peut être rapprochée de celle dont souffrent les victimes de l’hormone de croissance qui souffrent d’un « syndrome de Damoclès ».
Ce syndrome se développe chez une personne qui ressent une peur continuelle d’une vie écourtée. Les victimes de l’hormone de croissance sont plongées dans une profonde anxiété en rapport avec l’incertitude de développer la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

3. Caractère aggravant de l’imprécision du risque

Cette imprécision du risque s’est retrouvée tout d’abord lors de l’annonce de l’erreur de surdosage mais elle subsiste encore aujourd’hui puisque le rapport de l’IRSN lui-même ne peut établir avec certitude quels sont les risques encourus et la période durant laquelle ils sont encourus.

a. Des informations contradictoires et variables dans le temps

Après la découverte de l’erreur de surdosage, le CHU de Toulouse n’a pas contacté directement les patients concernés, préférant les avertir par le biais des consultations déjà fixées. Or un grand nombre de patients avaient déjà été informés de l’incident par les médias.

Au cours des consultations, les médecins se sont voulus rassurants et ont souvent annoncé des taux de surdosage relativement faibles. Puis au fil des consultations et des informations qui circulaient par les médias, ces taux ont revus tantôt à la hausse, tantôt à la baisse pour être ensuite fixés définitivement.

Or, les victimes ont été très marquées par ces contradictions, certaines affirmant ne plus avoir confiance dans l’évaluation des dosages.

Cette information partielle et tardive a également contribué à développer chez elles un sentiment de crainte et d’angoisse.

b. L’absence de certitude scientifique des risques encourus

Le rapport de l’IRSN, dont les victimes ont toutes pris connaissance, fait état des complications secondaires possibles à la suite du traitement.

Mais ces complications sont celles classiquement connues pour le traitement de ces pathologies par radiochirurgie avec des dosages normaux.

En outre, l’Institut précise cohorte par cohorte une période de risque approximative pendant laquelle les patients doivent faire l’objet d’un suivi clinique plus ou moins vigilant.

Cependant, le rapport précise aussi que seul un recul de trois à cinq ans et un suivi clinique vigilant permettront de déterminer l’impact réel de cet accident sur la santé des victimes.

De ce fait, il n’est même pas possible d’affirmer que les patients ne présentant aucune complication ne pourront pas voir leur situation évoluer défavorablement.

Le suivi clinique ne doit donc pas se faire durant la seule période de risque diagnostiquée par l’Institut mais sur une période allant bien au-delà.

Cette incertitude relative à l’imprécision du risque aggrave nécessairement le ressenti psychologique ainsi que la demande de soins en liant avec le suivi du risque.

EN CONCLUSION ET UNE NOUVELLE FOIS

Au-delà des atteintes séquellaires constatées par les expertises médicales individuelles, le préjudice évolutif lié aux surirradiations est le seul poste indemnitaire commun à l’ensemble des victimes.

Il constitue au plan indemnitaire l’aspect vraisemblablement le plus spécifique de la surirradiation sérielle de Rangueil.
Sa réalité ne peut que s’imposer à tous les acteurs de bonne foi.

Il est certain pour la FENVAC que la reconnaissance définitive et l’indemnisation suffisante de ce préjudice constitueront les critères premiers sur lesquels sera jugée la réussite du Comité de suivi des victimes."

Il a été convenu qu’une phrase serait ajoutée à la mission d’expertise pour permettre de prendre en compte réellement un éventuel PEV.

Un groupe réduit est également susceptible de se mettre en place sur cette question pour en apprécier les modalités pratiques d’application.

La prochaine réunion est fixée au mois de janvier 2010.


Crédit photos : Pour en savoir plus ... Le site de l’association "SOS Irradiés 31" La procédure d’indemnisation mise en place par le Comité de suivi La préjudice de risque sur le site du cabinet ARPEJ

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