Accident de Puisseguin : le réservoir de trop

Exclusif. Le Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre pointe le second réservoir du camion, non conforme. Et révèle que les normes antifeu des autocars sont plus faibles que celles des trains .

C’est l’accident d’autocar le plus meurtrier en France de ces trente-cinq dernières années. Près de deux ans après la collision entre l’autocar et le poids lourd qui a fait 43 morts et 8 blessés sur une route départementale de Gironde le 23 octobre 2015, le BEA-TT (Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre) vient de rendre son rapport. Dans ce document de 120 pages très détaillé que nous avons pu consulter, les enquêteurs pointent du doigt le rôle majeur du second réservoir de gazole installé à l’arrière de la cabine du camion. Un réservoir additionnel qui n’était pas homologué, selon le BEA-TT.

Quel est le scénario du drame ? Selon le rapport, vers 7 h 30, à 7 km du petit village de Puisseguin, sur la D 17, le camion équipé d’une remorque vide destinée à transporter du bois se déporte pour une raison inconnue sur la voie de droite. Il percute un autocar qui arrive en sens inverse. A bord, 49 personnes, appartenant à un club du troisième âge. Sous le choc, le réservoir additionnel du camion et celui avant gauche du car, compressés, se déchirent. Plusieurs centaines de litres de gazole se déversent sur les deux véhicules et sur la chaussée. Selon le BEA-TT, si la source de chaleur à l’origine de l’embrasement du carburant n’a pas pu être identifiée, les enquêteurs estiment que « l’écrasement ou le frottement de diverses parties métalliques et électriques des véhicules les unes contre les autres ou sur la chaussée » ont pu embraser le gazole.

« Compte tenu du pouvoir calorifique de ce carburant et de la quantité mise en jeu, l’incendie s’est propagé très vite à l’autocar, faisant fondre et enflammant son habillage intérieur, lit-on dans le rapport. L’incendie est très rapidement devenu incontrôlable. » Le réservoir additionnel était-il réglementaire ? Non, selon le BEA-TT qui écrit que « ni le réservoir, ni a fortiori son installation au dos de la cabine du tracteur routier n’étaient homologués au moment de l’accident ».

Trop vite pour le virage

Pour le BEA-TT, même si l’ajout de ce réservoir de 375 litres qui accroît de 70 % la quantité de carburant transporté ne constitue pas une transformation notable du véhicule, l’installateur du réservoir aurait dû s’assurer auprès du constructeur du camion ou auprès d’un laboratoire reconnu que le véhicule modifié restait conforme à la réglementation. Pourquoi le feu s’est-il propagé si vite ? Le rapport révèle que la réglementation qui encadre la tenue au feu des matériaux composant un autocar est bien moins exigeante que celle concernant les avions, les bateaux ou les trains. « La réglementation ne spécifie aucune exigence en matière de toxicité des fumées dégagées par la combustion des matériaux », écrivent ainsi les enquêteurs.

« C’est ce qui nous a le plus choqué quand le BEA-TT nous a présenté son rapport fin juillet, déplore Michel Vigier, président du Collectif des victimes de Puisseguin, membre de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs). On a été surpris d’apprendre que les normes de résistance au feu pour les autocars étaient quasi inexistantes. Il n’est pas rare que des autocars s’enflamment. On va se battre pour que les recommandations du BEA-TT s’appliquent rapidement (voir ci-dessous). »

Le camion roulait-il trop vite ? Probablement. D’après les simulations du BEA-TT, le camion circulait à 75 km/h, certes sous la limite de 90 km/h, mais trop vite pour le virage. Par ailleurs, les enquêteurs ont découvert une insuffisance du freinage sur le côté droit de la remorque qui a pu favoriser la mise en « portefeuille ». « Aujourd’hui, les familles ont une attente forte de vérité non pour punir, avertit Stéphane Gicquel, le secrétaire général de la Fenvac. Mais surtout pour éviter qu’un nouveau drame se produise. »

Date : 08/08/2017
Auteur : Vincent Vérier
Source : Le Parisien

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