Attentat de la rue Copernic : la crainte du non-lieu

Les familles des victimes de l’attaque qui a tué quatre personnes à Paris en 1980 craignent que l’accusé numéro un soit innocenté.

L’enquête sur l’attentat de la rue Copernic à Paris, qui, le 3 octobre 1980, a tué quatre personnes devant une synagogue parisienne suite à l’explosion d’une moto piégée, s’achèvera- t-elle sur un non-lieu ? Des parties civiles s’inquiètent d’une telle issue. Le dossier était déjà hors norme : une instruction toujours en cours trente-six ans après les faits, une enquête relancée en 1999, un suspect, Hassan Diab, professeur canadien et libanais de 63 ans, extradé du Canada, mis en examen et écroué en 2014. Enfin, des juges antiterroristes en charge du dossier et un juge des libertés et de la détention demandant, chose exceptionnelle, cinq fois au total une remise en liberté sous contrôle judiciaire, succès certain pour les avocats de Diab, Mes Bourdon, Cagnat et Lefebvre. Des demandes toutefois rejetées par la chambre de l’instruction après appel du parquet.

Dans ce contexte, l’un des avocats des parties civiles, Me Bernard Cahen, représentant les intérêts de deux familles de victimes et de la synagogue, a envoyé une note à la galerie Saint- Éloi, où travaillent les juges antiterroristes au sein du palais de justice de Paris. Il demande une conclusion rapide de l’enquête et s’inquiète d’un non-lieu alors que, pour reprendre les termes de la chambre de l’instruction, «  il ressort suffisamment des éléments qu’il existe des indices graves et concordants rendant plausible l’implication d’Hassan Diab dans les faits qui lui sont reprochés ». De son côté, Me Bourdon souligne que « les charges, faibles au départ, le juge canadien évoquant un “weak case”, n’ont cessé de se réduire au fur et à mesure de l’instruction ». Il déplore aussi la présence « dans les affaires terroristes extrêmement graves d’une inhibition judiciaire face à l’émotion légitime des victimes et leur besoin à tout prix d’avoir un coupable à leurs terribles souffrances. En l’espèce, il n’y a et il n’y aura personne d’autre ». Alors qu’un non-lieu semble se profiler, Le Figaro revient sur les éléments d’un dossier marqué par l’absence de faits incontestables, notamment des traces ADN.

1 Plusieurs témoignages à décharge confirmant les déclarations d’Hassan Diab

Pour la défense, Hassan Diab ne pouvait être en Europe, et encore moins à Paris, en septembre-octobre 1980 car il passait ses examens au Liban. Son ex-femme, Nawal Copty, ayant refusé de répondre à la justice en 2008, a affirmé en 2016 que le suspect l’a amenée à l’aéroport de Beyrouth le 28 septembre 1980. Quatre anciens camarades de Diab à la faculté de sociologie de Beyrouth déclarent qu’il a révisé les examens avec eux et qu’il n’a pas quitté le Liban en septembre-octobre. Un courrier de l’Université de Beyrouth atteste enfin que les examens de sociologie ont bien eu lieu en octobre 1980. Autant d’éléments corroborant les déclarations du suspect. La chambre de l’instruction rejette, elle, cette défense d’alibi en notant que « le témoignage de Nawal Copty n’est en l’état assorti d’aucun élément matériel de preuve, que les investigations conduites au Liban ne s’accompagnent pas davantage d’éléments de preuve matérielle indiscutable de (la présence de Diab) au Liban le jour des faits  ».

2 Le passeport d’Hassan Diab retrouvé dans les mains d’un terroriste présumé en 1981

Le 8 octobre 1981, bien avant qu’Hassan Diab soit recherché dans l’affaire Copernic, un homme, se déclarant algérien mais suspecté d’être un terroriste palestinien par la police, est interpellé à Rome avec 8 documents d’identité portant différents noms. Parmi eux, le vrai passeport d’Hassan Diab avec sa photo, un visa espagnol du 17 septembre 1980, un tampon d’entrée en Espagne du 20 septembre et un tampon de sortie du 7 octobre. Pour l’accusation, les terroristes de Copernic sont venus de Beyrouth à Paris via Madrid. Hassan Diab reconnaît que ce passeport, récupéré par la justice, est bien le sien : il l’a utilisé pour aller en Grèce à l’été 1980 et est revenu à Beyrouth le 12 septembre. Mais il assure l’avoir ensuite perdu. En avril 1981, selon un procès-verbal de la police libanaise. PV contesté en 2016 par Diab qui affirme avoir perdu le passeport juste après son retour de Grèce. Il affirme par ailleurs que les visas espagnols sont des faux. L’accusation rétorque quant à elle que c’est bien Diab qui a utilisé ce passeport avec sa vraie photo jusqu’à sa saisie fortuite à Rome.

3 Des témoignages impliquant Diab dans la mouvance pro- palestinienne

En 1988, là encore bien avant que le suspect soit recherché, une relation d’Hassan Diab, Youssef el-Khalil, et son épouse affirment aux policiers français que Diab était actif, comme son ex-épouse Nawal Copty, en 1980 dans la mouvance du Front populaire de libération de la Palestine dont l’un des groupuscules dissidents est accusé d’avoir commandité l’attentat. Entendu en 2008, el-Khalil ira jusqu’à préciser qu’après l’attentat du 3 octobre 1980, il avait été frappé par la ressemblance entre Diab et le portrait-robot du terroriste publié dans Paris Match. Autre témoignage à charge : celui, spontané, d’une ex-petite amie américaine de Diab qui a affirmé, en 2016, que son amant lui avait confié avoir déjà « fait exploser une voiture ». Il lui aurait aussi affirmé avoir épousé Nawal Copty « pour la protéger » car « elle n’était pas innocente  ». La défense conteste en bloc et affirme que son client n’a jamais eu d’engagement politique, comme le confirment les témoins à décharge.

4 Une analyse graphologique désignant Diab comme le terroriste

Elle est l’élément le plus contesté entre défense et accusation. Reposant sur une comparaison entre une fiche de police de 1980 et des documents de la main du suspect, elle a été très attaquée au Canada. Devant une cour d’assises spéciale, elle donnerait lieu à une passe d’armes acharnée. Si du moins, le procès de l’attentat de la rue Copernic a bien lieu un jour.

Source : Le Figaro
Auteur : Jean Chichizola
Date : 25 mai 2017

Crédit photos : Source : Le Figaro Auteur : Jean Chichizola Date : 25 mai 2017

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