Aux assises, "l’ignorance" revendiquée de l’imam de Torcy

Il n’a "rien vu venir" chez les jeunes qui fréquentaient sa mosquée de Torcy (Seine-et-Marne) en 2012 et qui sont actuellement jugés pour terrorisme aux assises : Abdelali Bouhnik a revendiqué mercredi l’"ignorance" d’un "imam de quartier", sans formation, sans obligations.

"J’ai vu une face positive de ces jeunes qui venaient à la mosquée. L’autre face, je l’ai découverte après des actes abominables — un attentat à la grenade dans une épicerie de Sarcelles — que je condamne", déclare-t-il à la barre lors du procès à Paris de la filière jihadiste de Cannes-Torcy.

Bouc grisonnant sur un visage rond, il n’a toujours "pas compris" pourquoi sa mosquée a été fermée mi-avril, une semaine avant le début du procès, pour "incitation au jihad", et conteste sa suspension de l’Education nationale où il enseignait les mathématiques.

"Je suis imam depuis 25 ans et je découvre que mes prêches sont haineux", ironise-t-il. "J’aurais préféré qu’on m’écarte de la mosquée au lieu de priver 600 personnes de leur lieu de culte."

Le président Philippe Roux demande comment il est devenu imam. Originaire d’Algérie, Bouhnik raconte être arrivé en France il y a près de trente ans. "La seule mosquée qui existait était celle du foyer Sonacotra" de travailleurs immigrés, "je connaissais un peu l’arabe, j’avais lu quelques sourates du Coran".

"Je ne me suis jamais considéré comme un grand imam, plutôt quelqu’un qui veut aider. Les gens avec qui j’étais ne savaient ni lire ni écrire. Ils ont vu celui qui était le plus apte", poursuit-il.

- Conversion ’minute’ -

La cour d’assises spéciale qui juge vingt membres présumés de la filière veut savoir pourquoi certains de ces jeunes voulaient partir en Syrie. "La hijra (émigration en terre d’islam, NDLR), j’entends souvent ce mot. Ce sont des idiots qui font les imams", estime-t-il, répétant qu’il adhère lui-même entièrement aux "lois de la République".

"Vous êtes naïf ou hyper-tolérant avec la violence ?", relance l’avocat d’une association antiraciste, partie civile. L’imam écarte les bras et soupire : "Mais il faut des actes ! Devant moi, ils ne montraient rien." Il nie avoir apporté une quelconque aide aux accusés, comme l’en accuse l’arrêté de fermeture de sa mosquée.

Il "ignore totalement" pourquoi Jérémie Louis-Sidney, chef fanatique et ultraviolent du groupe, tué lors de son interpellation, a laissé un testament religieux dans lequel il remercie le "cheikh Abdelali" pour "ses enseignements".

Quand l’avocat général demande pourquoi il n’a pas tenté d’aider ces jeunes fourvoyés, pourquoi il n’a pas fait de "mise au point" après les assassinats du jihadiste toulousain Mohamed Merah, six mois avant l’attentat de Sarcelles, il élude. A Torcy, "on n’est pas la mosquée de Paris, avec des représentants nationaux. On s’intéresse juste à notre petite vie". Et Toulouse, c’était "loin".

Une partie civile veut des détails sur les conversions, quand presque la moitié des accusés sont des convertis, radicalisés très vite. Quand quelqu’un veut se convertir, ça se fait tout de suite ? "A la minute même. Quand quelqu’un vient, c’est qu’il a fait ce chemin", répond Abdelali Bouhnik.

Même pour des jeunes "ignorants" ? "Moi j’ai 60 ans et je suis ignorant", rétorque-t-il, ajoutant qu’il demande toujours au converti "si quelqu’un l’a obligé" mais qu’il n’est "pas là pour dispenser des cours de religion".

Le recteur de la mosquée de Cannes lui succède à la barre. Et ne décolère pas de voir "tous ces imams autoproclamés".

"Pour former un imam, il faut quinze ans minimum", explique Mustapha Dali Ahmed, assurant avoir été un des premiers en France à réclamer des formations dans les universités.

"L’Etat français a laissé les ambassades gérer les mosquées, estime-t-il. Le Conseil français du culte musulman ne représente rien, si ce n’est le conflit entre le Maroc et l’Algérie."

Lui qui prône un islam de tolérance se sent "pris en otage", autant par l’Etat, auquel "la Constitution interdit de financer les cultes", que ces "jeunes en perdition". "Mais je ne leur jette pas la pierre. Qu’avons-nous fait pour eux ?"

Source : acte.orange.fr
Auteur : AFP
Date : 24 mai 2017

Crédit photos : Source : acte.orange.fr Auteur : AFP Date : 24 mai 2017

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