Devant le tribunal de Dunkerque, l’expert détaille « une série de négligences »

Que s’est-il passé ce 29 janvier 2009, à 15 h 30, dans l’atelier exploité par Endel au sein de la raffinerie Total ? Quelle(s) négligence(s) ont conduit à la violente explosion dans laquelle un homme a perdu la vie ? La première journée du procès s’est focalisée sur les rapports d’expertise et de l’inspection du travail, ce lundi.

« Dépotage de cuve », « vanne quatre voies », « pompage par le haut  » : la première journée du procès de l’explosion à la raffinerie Total a vite pris un tour très technique, ce lundi, pour comprendre les circonstances de l’accident qui a coûté la vie à William Verbrugghe, le 29 janvier 2009.

À la barre du tribunal, l’expert a livré durant deux heures et demie ses explications quant aux raisons qui auraient conduit, selon lui, à l’issue fatale. Photographies et plans à l’appui, il évoque une succession « de négligences graves » dans cet atelier exploité par Endel pour la maintenance de gros outillages et où intervenaient ce jour-là deux employés de la société Ortec, chargés de pomper des boues résiduelles dans une fosse. Christian Andurand est formel : «  Il aurait d’abord fallu dépoter et rincer la citerne du camion (dans laquelle il restait du carburant, environ 600 litres). Si cela avait été fait, il n’y aurait pas eu ces dégagements de phases gazeuses », à l’origine de l’explosion.

Atelier exigu

Autre négligence importante pointée par l’expert : «  Le camion aurait dû rester à l’extérieur de cet atelier particulièrement exigu où il était très difficile pour les deux employés d’intervenir, et notamment de couper le moteur en cas de besoin. On a frisé la catastrophe ! On aurait dû interdire l’entrée de ce camion dans ce bâtiment…

D’autres négligences sont vénielles, poursuit l’expert. On s’est trompé de mode de pompage : le pompage à vide a été utilisé, ce qui a fait entrer autant d’air que d’eau huileuse dans la citerne du camion, favorisant une émulsion gazeuse, et des vapeurs d’essence, qui se sont répandues dans l’atelier via un évent. Je pense que les techniciens n’étaient pas assez formés aux types de pompages ».

L’expert fait aussi état du caractère insalubre de l’atelier, «  particulièrement sale, même si cela n’avait pas un lien direct avec l’accident  ».

Cette première journée de procès restera aussi comme celle où l’on a longuement parlé de la « cosse  », en l’occurrence celle de la pince de mise à la terre du camion. Cette mise à la terre, mesure de sécurité pour éviter tout arc électrique, n’aurait pas été effectuée correctement et aurait favorisé l’explosion dans un environnement saturé de vapeurs d’essence. Pourquoi ? Comment ? Titillé sur ce point par les avocats de la défense, en particulier Me Delormeau pour la société Ortec, l’expert a défendu son rapport, bec et ongles.

« Réglementation pas respectée »

L’inspecteur du travail, dépêché une heure après l’explosion le 29 janvier 2009, raconte «  l’effervescence sur place ».

Ce n’est que le lendemain, plus au calme, que le représentant de la Direccte a pu réclamer auprès de Total, propriétaire du site, les divers documents sur l’évaluation des risques professionnels, les plans de prévention, etc. Devant le tribunal, l’inspecteur du travail explique avoir reçu «  un document très général en guise de plan de prévention, ainsi qu’une « autorisation annuelle », qui précise les risques de certaines opérations, et un troisième document appelé bon de validation, plus précis sur l’opération du 29 janvier ». Mais il conclut : « Pour nous, la réglementation n’était pas respectée.  » De même, l’Inspection du travail n’a pas trouvé trace d’une quelconque information des salariés d’Endel de la venue ce jour-là des employés d’Ortec.
Le procès se poursuit ce mardi.

« On a vu un homme en feu »

Les débats de la première journée de procès se sont attachés à déterminer le contexte technique (lire ci-dessus), mais quelques témoignages ont toutefois été livrés à l’audience sur l’accident qui a coûté la vie à un homme et blessé cinq autres : «  La déflagration m’a projeté contre le mur de l’atelier !  », raconte un employé, présent le jour du drame. « Mon détecteur chimique accroché à la poitrine s’est déclenché et j’ai ressenti un gros souffle dans le dos… », évoque un autre. Tous racontent «  la forte odeur d’essence  », anormale dans et autour de l’atelier.

La suite est difficile à entendre. C’est le témoignage d’un autre employé qui a vu «  un homme en feu. Avec un collègue, on l’a recouvert avec nos vestes ». Et celui de l’infirmière et des secours évoquant « une peau cartonnée sur l’ensemble du corps de la victime, qui a continué à nous parler lors du transport à l’hôpital. Sur une échelle de 1 à 10 au niveau de la douleur, il nous disait 4.  » William Verbrugghe, 32 ans, est décédé peu de temps après. Célibataire, sans enfant, il était considéré comme un employé « au tempérament calme ».

Source : lavoixdunord.fr
Auteur : Benjamin Cormier
Date : 29 mai 2017

Crédit photos : Source : lavoixdunord.fr Auteur : Benjamin Cormier Date : 29 mai 2017

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