Hommage aux victimes de Nice : « En ce 14-Juillet, vous vouliez admirer le ciel et non pas le rejoindre »

Trois mois après l’attentat qui a fait 86 morts sur la promenade des Anglais, 2 000 personnes, des proches et des hommes politiques, ont participé à une cérémonie émouvante et éprouvante.

C’est à 11 heures, sur la colline du Château qui surplombe Nice et son interminable promenade des Anglais, qu’a été rendu, samedi 15 octobre, l’hommage national aux 86 personnes tuées lors de l’attentat du 14-Juillet. Les jours précédant la cérémonie, des pluies diluviennes s’étaient abattues sur la ville, provoquant son report, notamment pour des raisons de sécurité, liées aux orages.

A l’ombre des pins parasols plantés sur cette fortification, l’une des plus puissantes de l’arc méditerranéen, plus de 2 000 personnes sont venues dans le parc, non loin du monument aux morts de la ville. Plus de la moitié sont des proches des tués, des blessés, mais aussi des personnes qui se trouvaient sur les lieux de l’attentat ce soir du 14-Juillet et qui ont été choquées par ce qu’elles ont vécu.

Dans les rangs des politiques se sont installés le président de la République, François Hollande, son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, des responsables de droite (Bruno Le Maire, Alain Juppé, François Fillon) et d’extrême droite, avec Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen. Etaient également présents les ambassadeurs des dix-neuf pays qui ont eu à déplorer des victimes.

« Notre tristesse est indéfinissable »

Endeuillée par la mort de six membres de sa famille, Cindy Pellegrini a pris la parole au nom de l’association de victimes Promenade des anges.

Pour ouvrir la cérémonie, La Marseillaise a été jouée par l’orchestre de la Garde républicaine, après que le président de la République a adressé les honneurs militaires et avant la revue des troupes.

Endeuillée par la perte de six membres de sa famille, Cindy Pellegrini a pris la parole au nom de l’association de victimes Promenade des anges, fondée début août. « En ce 14-Juillet, vous vouliez admirer le ciel et non pas le rejoindre (…) Aujourd’hui, Nice et la France entière pleurent 86 victimes. Notre tristesse est indéfinissable », a lancé la jeune femme à la chevelure blonde et aux yeux aigue-marine. Avant de conclure, des sanglots dans la voix :

« Nous espérons au plus profond de notre cœur que désormais, chaque 14-Juillet, chacun d’entre vous admirera le ciel en pensant que chaque étoile est une vie brisée à jamais. »

A la fin de son discours, repartant vers les tribunes, la jeune femme a enfoui son visage dans ses mains, ne retenant plus ses larmes, alors que Julien Clerc entonnait Utile, une chanson composée dans les années 1990 en référence à la dictature chilienne :

« Comme une langue ancienne qu’on voudrait massacrer, je veux être utile, à vivre et à rêver. (…) Dans n’importe quel quartier d’une lune perdue. Même si les maîtres parlent et qu’on ne m’entend plus. »

86 roses blanches, des pleurs dans le silence

Lors du moment le plus éprouvant des hommages, les élèves du lycée Masséna, vêtus de noir, sont venus, un à un, déposer une rose blanche sur la fontaine éphémère. Pendant que les noms des 86 victimes étaient prononcés solennellement, les cris d’un nouveau-né sont venus rompre le silence de plomb qui enveloppait le cérémonial.
Pendant ces quinze longues minutes, des proches de victimes étouffent leurs larmes. D’autres essuient continûment leurs joues. Un adolescent pleure en entendant, dans la multitude des noms énumérés, celui de sa grand-mère. Un enfant dort dans les bras de son père qui sanglote.

A ce moment-là, la foule prend la mesure de l’ampleur de cette attaque terroriste. Un attentat qui a touché Mario, 92 ans, et Léana, 2 ans. Un attentat qui a décimé des familles – une tante et son neveu, une grand-mère et son petit-fils, un couple de retraités – et n’a épargné aucune religion.

« Cette entreprise maléfique échouera »

François Hollande s’incline devant la tribune des familles des victimes de l’attentat de Nice, aprés son discours, le 15 octobre.

C’est d’ailleurs sur ce point que François Hollande a souhaité mettre l’accent au début de son discours, qui durera une vingtaine de minutes :

« Les victimes de cette barbarie n’avaient pas toutes la même origine, pas toutes le même parcours, pas toutes la même couleur de peau, pas toutes la même religion, mais elles sont unies aujourd’hui par le malheur. »

« Ces victimes appartenaient à l’ensemble des quartiers de Nice, celui de l’Ariane [quartier populaire de la ville]. Elles venaient d’autres régions de France. Elles venaient du monde entier, attirées par la mer »
, a ajouté le chef de l’Etat. Les victimes et leurs familles sont en effet originaires de 63 départements français et de dix-neufs pays.

« Ce qui a été frappé le 14-Juillet, c’est l’unité nationale », a poursuivi le président, avant d’ajouter :

« Eh bien, non, je vous dis non, cette entreprise maléfique échouera, l’unité, la liberté, l’humanité, au bout du compte, prévaudront. »

Comme un message d’espoir porté sur l’avenir, permettant aussi d’appuyer le discours de M. Hollande, le chœur des enfants de l’Opéra de Nice-Côte d’Azur a interprété La Marseillaise, d’ordinaire chantée par la Garde républicaine. En plus du premier couplet habituel (« Allons enfants de la patrie »), les chanteurs ont entonné le « couplet des enfants », assez méconnu, faisant ainsi durer La Marseillaise plus de trois minutes.
« Nous entrerons dans la carrière/Quand nos aînés n’y seront plus/Nous y trouverons leur poussière/Et la trace de leurs vertus/Bien moins jaloux de leur survivre/Que de partager leur cercueil/Nous aurons le sublime orgueil/De les venger ou de les suivre ! »

Bain de foule des Le Pen

A la fin de l’hymne, M. Hollande a quitté l’estrade sous les applaudissements des proches des victimes, qu’il a salués à plusieurs reprises, avant de laisser la scène vide, marquant la fin de la cérémonie. La foule a alors convergé, hagarde et silencieuse, vers l’esplanade.

Drôle de scène que celle de Christian Estrosi, premier adjoint (Les Républicains) au maire de Nice, de Marine Le Pen et de Marion Maréchal-Le Pen, cadres du Front national (FN), s’offrant un bain de foule, alors que le reste des officiels se dirige vers la sortie. Là, des personnes présentes viennent à la rencontre des trois élus.

Les deux cadres frontistes resteront plus de dix minutes à serrer des mains, à saluer les victimes, à prendre des selfies avec les plus jeunes. Signe que cette cérémonie marquée par un discours d’unité nationale, porté haut et fort par François Hollande et Cindy Pellegrini, n’est qu’une parenthèse dans cette ville, laboratoire de la droite dure et fief historique du FN.

Source : lemonde.fr
Auteur : Cécile Bouanchaud
Date : 15/10/2016

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