Incendie de Rouen : « Les proches de Karima veulent la vérité »

Me Gérard Chemla, avocat de la famille de Karima, blessée dans le drame qui a fait 13 morts, exige des réponses sur les normes de sécurité.

Avocat très impliqué dans la défense des victimes d’accidents collectifs, Gérard Chemla représente la famille de Karima, 22 ans, gravement brûlée dans l’incendie du Cuba libre, à Rouen, qui a fait 13 morts dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 août. Le pénaliste revient sur les circonstances du drame et détaille les pistes que l’enquête devra explorer. Désormais, celle-ci a été confiée à un juge d’instruction, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte cette semaine pour « homicides et blessures involontaires par manquement délibéré à la sécurité ».

Dans quel état d’esprit se trouvent aujourd’hui vos clients ?

GÉRARD CHEMLA. Ils sont extrêmement inquiets de l’état de santé de Karima. Ce qu’elle vit est épouvantable. Cette jeune fille a par ailleurs vu ses meilleurs amis mourir. Quoi qu’il arrive, son avenir s’annonce très sombre. Aujourd’hui, ses proches veulent savoir ce qui s’est passé et, surtout, être sûrs que cela ne se reproduise pas.

Justement, une semaine après le drame, en sait-on plus sur ses origines ?

Contrairement à ce qui a été avancé initialement, il ne semble pas que la personne qui portait le gâteau d’anniversaire d’Ophélie ait trébuché dans l’escalier. Ce même escalier, une « échelle de meunier », était à la fois très étroit et très proche du plafond couvert de dalles isophoniques en polystyrène. Les projections des bougies ont alors pu les enflammer trop facilement, produisant notamment une intense fumée.

On sait que les victimes ont été asphyxiées. Pourquoi n’ont-elles pas réussi à sortir ?

De ce que l’on en sait, sur les 19 ou 20 personnes présentes au sous-sol, 7 ont réussi à s’échapper. Elles sont passées sous le feu, à quatre pattes, en se brûlant les mains. Ce sont celles qui se trouvaient le plus près de l’escalier, lequel s’est ensuite embrasé. Les autres ont été prises au piège.

A cause de la rapidité du sinistre ?

Pas seulement. Tous les témoins que j’ai rencontrés attestent que l’issue de secours, au sous-sol, était verrouillée. Zac, le DJ, était celui qui connaissait le mieux les lieux. Il s’est saisi d’un extincteur pour défoncer la porte fermée à clé. Tout porte à croire que les efforts déployés pour y parvenir ont été importants, mais ils n’ont pas suffi. On retrouve exactement le même scénario tragique que lors de l’incendie de la discothèque le 5-7, qui fit 146 morts en Isère en 1970.

Selon vous, y a-t-il eu des manquements dans la sécurité ?

Manifestement, l’escalier n’était pas conforme. L’issue de secours était verrouillée et les matériaux utilisés pas aux normes. Il est vrai, en revanche, qu’il y avait des extincteurs. Je ne suis pas là pour réclamer des têtes. Ce que veulent mes clients, c’est la vérité, indissociable de la justice. Le patron des lieux, d’après les témoins, a fait face ce soir-là. Mais c’était à lui, en tant qu’exploitant, de mettre à la disposition de ses clients un endroit sécurisé et conforme. Il est donc clair que sa responsabilité sera mise en cause.

En ce qui concerne ces normes, doivent-elles être réformées ?

Nous sommes confrontés à un établissement recevant du public (ERP) de catégorie 5, soit la plus basse des catégories. A ce titre, c’est donc la moins contrôlée. Il ne faut pas changer la loi mais commencer par la faire appliquer. La question des contrôles — ou de l’absence de contrôles — est cruciale, et elle devra être posée.

Source : Le Parisien.fr
Propos recueillis par Nicolas JACQUARD
Date : 14/08/2016

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