Le choc de témoins et de rescapés, au lendemain de l’attentat de Bamako

Ils sont revenus. Certains sont encore sous le choc, d’autres semblent prendre l’événement avec fatalisme. Au lendemain de l’attaque de l’hôtel Radisson Blu de Bamako, dont le sol du hall d’entrée est encore jonché de verre brisé et de gants chirurgicaux, clients et employés de l’établissement sont de retour sur les lieux, samedi 21 novembre.

Les premiers pour récupérer leurs biens abandonnés à la hâte, les seconds pour prendre des nouvelles de leurs collègues, savoir de quoi sera fait leur avenir. Appuyé sur la barrière tenue par des policiers qui bloquent l’accès à l’hôtel, René Clément se dit « tout nu », sans passeport, sans argent, sans vêtement, mais le plus important n’est pas là, il est sain et sauf.

Selon un dernier bilan de la mission des Nations unies au Mali (Minusma), fourni samedi, vingt-deux personnes, dont deux assaillants, ont été tuées dans l’attaque perpétrée vendredi, et six sont gravement blessées. Parmi elles, figurent un Belge, une Américaine, trois Chinois et six Russes.

Un état d’urgence a été décrété pour dix jours au Mali après l’attentat, qui a été revendiqué par le groupe djihadiste Al-Mourabitoune de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar. Ce groupe dit avoir agi « avec la participation » d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).

« J’étais dans ma chambre au cinquième étage, et peu avant 7 heures, j’ai entendu une ou deux explosions. Je me suis mis au balcon et j’ai vu dans la rue un homme habillé en jeans et T-shirt en train de tirer. Puis les tirs se sont intensifiés. On entendait le crack des kalash des terroristes et les boums des fusils à pompe des vigiles » raconte un entrepreneur français qui était arrivé deux jours plus tôt dans la capitale malienne.

Traumatisme de certains

« Après, je me suis caché dans ma chambre, j’ai mis les téléphones sur silencieux et tenté de rester le plus tranquille possible », poursuit cet homme placide, secouru environ quatre heures plus tard par les forces de l’ordre maliennes. « Vers 11 heures, ils ont frappé à ma porte et m’ont dit que c’était stabilisé, même si ça ne l’était pas tant que ça. »

L’assaut s’est terminé en fin d’après-midi. Le chanteur guinéen Sekouba Bambino, lui, est encore traumatisé. « Au début, dit-il, je n’ai pas osé retourner dans ma chambre. Voir le sang de mes voisins par terre, les mots me manquent pour expliquer ce que je ressens. » « Je me suis réveillé avec des tirs de gauche à droite. J’ai cru au début que c’étaient des pétards, mais après j’ai compris que c’était la guerre. Je me suis caché sous le lit et je croyais que c’était fini pour moi. Les policiers ont dû taper pendant quinze minutes avant que je leur ouvre. Maintenant, je n’ai plus le cœur à monter sur scène, mais quand on est né pour chanter, alors on va continuer à chanter », poursuit l’artiste, qui devait se produire samedi soir à Bamako.

Les assaillants parlaient anglais

Selon lui, les deux assaillants qu’il a entendus dans les couloirs parlaient anglais. « L’un a dit “Go, go, go” [“allez, allez, allez”], puis “you understand ?” [“tu comprends ?”]. L’autre lui a répondu “OK”. » D’autres rescapés disent également avoir entendu les djihadistes s’exprimer en anglais. L’identité et le nombre des auteurs du massacre sont toujours sujets à interrogation.

Lire aussi : Attentat de Bamako : l’ombre du chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar
Officiellement, deux ont été tués lors de l’intervention conjointe des forces de l’ordre maliennes, de casques bleus de la Minusma et de forces spéciales françaises, mais plusieurs témoins racontent avoir vu quatre assaillants.

Baïda et Penda Cissé tiennent une échoppe de cigarettes au coin de la rue perpendiculaire à l’entrée du Radisson. Le premier dit avoir tout d’abord vu « un homme, teint noir, en tenue militaire, tirer sur les gardes de l’hôtel. Quand j’ai vu un premier garde, puis un second à terre, je suis parti me mettre à l’abri ».

Puis, quelques instants plus tard, son épouse est partie récupérer leur gagne-pain. « J’ai vu trois autres messieurs habillés en Touaregs, avec une tunique noire et un turban. Ils étaient eux aussi teints en noir », dit-elle. Tambacouye Diarra, le maître d’hôtel qui a épaulé les forces de l’ordre pour évacuer les clients cachés dans leurs chambres, raconte avoir croisé « un terroriste ». « C’était un jeune homme simple, noir, qui était habillé d’une casquette bleue, d’une chemise bleue et d’un jeans. »

Les assaillants seraient arrivés à pied

Selon plusieurs témoignages recueillis aux abords de l’hôtel, les assaillants ne sont pas venus à bord d’un véhicule muni de plaques diplomatiques, comme cela avait été évoqué vendredi matin, mais à pied, quelques instants après le passage de cette voiture.

Ont-ils également trié les clients de l’hôtel sur une base confessionnelle, épargnant ceux qui étaient capables de réciter la chahada, la profession de foi musulmane ? Aucun témoin interrogé ne le confirme désormais.

En revanche, Ali Yazbeck, un pâtissier de l’hôtel, blessé de deux balles, l’une au cou, l’autre dans le dos, raconte sur son lit d’hôpital cette scène hallucinante. Après que l’assaillant à la casquette entourée d’un turban lui eut tiré dessus, puis « sur des blancs, des Chinois, des Arabes », M. Yazbeck est parti se réfugier dans un bureau avec deux serveuses. « Il nous a retrouvés et a tiré sur Awa, qui a été tuée, et sur Sarah, qui a été blessée. Il n’a rien dit, mais après il est reparti dans la cuisine, où il a pris un morceau de viande, qu’il s’est fait griller avant d’ouvrir le gaz dans toute la cuisine. »

Crédit photos : Source : lemonde.fr Auteur : Cyril Bensimon Date : 21.11.2015

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes