Procès Cannes-Torcy : « J’ai de la haine, j’ai pas éduqué mes gosses comme ça » témoigne le père d’un jeune, mort en Syrie

Trois des vingt accusés sont jugés par défaut - c’est à dire en leur absence - par la cour d’assises spéciale de Paris dans le procès de cette filière djihadiste. Parmi eux, Yassine C., supposé mort en Syrie après son départ de France en 2014.

  • Vingt hommes originaire de Cannes (Alpes-Maritimes) et Torcy (Seine-et-Marne) sont jugés depuis le 20 avril par la cour d’assises spéciale de Paris
  • Ils sont suspectés d’être à l’origine de l’attentat à la grenade contre une épicerie casher de Sarcelles en septembre 2012
  • Quatre autres projets d’attaques ont été démantelés par les enquêteurs

« J’ai de la haine, j’ai pas éduqué mes gosses comme ça ». Plus de trois ans après les faits, la rage semble toujours intacte. Face à la cour d’assises spéciale du tribunal correctionnel de Paris, le père d’un des accusés a dépeint un garçon « sans personnalité  », un « suiveur  » influencé par son « grand frère d’imam », lui aussi inquiété avant de bénéficier d’un non-lieu. Yassine C. n’était pas là pour entendre les mots, rudes, de son père. Jugé par défaut et renvoyé comme deux des autres membres présumés de la filière Cannes Torcy, il aurait rejoint la Syrie à la fin de l’année 2014.

« C’était un jeune garçon qui aimait sortir, qui aimait la boisson, les filles, la chicha », a confié son père. Ce sexagénaire râblé, né en Tunisie, a, dès 2012, violemment rejeté la radicalisation de ses deux fils aînés : « Je parlais même pas arabe à la maison (…) il a voulu imposer son islam de merde ».

Un temps engagé par l’armée, Yassine C., le « chouchou » de ses parents, abandonne au bout de quelques mois et fraie avec Jérémy Bailly, n°2 de la filière Cannes-Torcy. «  Ça a dégénéré quand il a commencé à porter sa barbe de terroriste  », lâche le père qui quittera le domicile familial sur fond de désaccord sur sa pratique de la religion.

« Qu’il crève en enfer »

Au fil des mois, les relations avec ses deux garçons se tendent. « Sa barbe, sa façon de s’habiller, son alimentation, tout change quand il sort de prison », se souvient le témoin. En 2014, alors placé sous contrôle judiciaire, Yassine C. quitte la France pour la Syrie. Et y serait mort. Contacté par un cadre de Daesh, Seïf-Eddine, le frère aîné apprend la nouvelle à son père : « Il m’a dit, tu es un père indigne, un mécréant, c’est ta faute s’il est parti. Moi je lui ai répondu bien fait pour sa gueule, qu’il crève en enfer  ».

Une violence verbale teintée de violence physique. Insistant sur les « valeurs » transmises à ses trois enfants, le témoin a omis d’évoquer devant la cour le climat dans lequel Yassine et Seïf-Eddine ont évolué enfants. Interrogé par l’avocat d’un des prévenus, le père de famille a perdu sa verve :

- Avez-vous déjà frappé Seïf ?
- Oui
- Avez-vous déjà fait de la prison ?
- Oui, 8 mois, pour une histoire de voiture
- Avez-vous déjà frappé la mère de vos fils devant eux ?
- Non
- L’avez-vous déjà menacée de mort devant eux ?
- Oui

Jugé en son absence* et présumé mort, Yassine C. encourt jusqu’à vingt ans de réclusion. Son frère, Seïf-Eddine a, lui, bénéficié d’un non-lieu. Le procès doit se tenir jusqu’au 20 juin.

*Juridiquement, il est impossible de poursuivre un mort. Mais s’agissant des djihadistes français tués en Syrie, rien ne permet d’acter leur mort puisqu’aucun registre d’état civil n’est tenu dans les zones de guerre. Cela permet donc au parquet d’engager des poursuites devant le tribunal.

Source : 20minutes.fr
Auteur : Hélène Sergent
Date : 4 mai 2017

Crédit photos : Source : 20minutes.fr Auteur : Hélène Sergent Date : 4 mai 2017

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