Procès de la filière jihadiste "Cannes-Torcy" : un témoin décrit une "véritable cellule terroriste"

Un enquêteur entendu anonymement devant la cour d’assises spéciale de Paris évoque une "véritable cellule terroriste", ce mercredi 10 mai. Il précise que la cellule était prête à "de nouveaux passages à l’acte" lors de son démantèlement.

Dissimulé derrière les stores d’un bureau vitré, la voix déformée, l’officier de la police antiterroriste a livré son récit de l’enquête dans un anonymat complet. Enfin, presque : le président Philippe Roux, pris par la force de l’habitude, accueille Mme A... avant de se reprendre : "Heu, bonjour, témoin n°50".

Sourires et soupirs dans les rangs de la défense, où ce droit, accordé à ces agents par les réformes pénales engagées après les attentats de 2015 en France, passe mal : s’il convenait déjà de taire le nom des enquêteurs qui venaient en personne à l’audience, ils ne sont désormais plus identifiables que par un numéro de matricule, et leurs réactions restent insondables.

Passé un moment de flottement, l’officier de police judiciaire qui a dirigé l’équipe de l’antiterrorisme sur cette enquête se lance dans la description d’une "véritable filière terroriste". Vingt membres présumés sont jugés depuis le 20 avril pour un attentat contre une épicerie casher en septembre 2012 mais aussi des départs en Syrie et des projets d’attaques contre des militaires ou des personnalités juives.

"2012, ANNÉE CHARNIÈRE"

"2012 a été une année charnière pour le réveil des forces du terrorisme islamiste sur notre territoire", explique-t-elle, rappelant les assassinats perpétrés en mars par le jihadiste toulousain Mohamed Merah contre des militaires et dans une école juive, des crimes cités "en exemple" au sein du groupe.

Une année où "la Syrie commence à émerger comme un pôle d’attraction pour les jihadistes, qui auparavant gagnaient plutôt l’Afghanistan ou l’Irak".

En France, son équipe voit apparaître une filière "hétérogène", avec des membres originaires de Cannes et de Torcy (Seine-et-Marne), formée de "convertis et de musulmans acquis à l’islamisme radical" qui nourrissent des "plans d’actions violentes sur le sol national". La "plus dangereuse" depuis les attentats du GIA algérien en 1995.

Des jeunes "radicalisés très rapidement à l’été 2012", passés sous le radar des renseignements jusqu’à l’attentat de Sarcelles.

"ON AVAIT LE SENTIMENT QUE LA MENACE POUVAIT VENIR DE PARTOUT"

Tout commence le 19 septembre 2012 : ce matin-là, décrit l’enquêtrice, deux hommes, capuche sur la tête, entrent dans l’épicerie casher Naouri et jettent une grenade. L’engin roule sous un chariot métallique, ne blessant miraculeusement qu’un client.

Une empreinte sur la cuillère de la grenade permet de remonter à Jérémie Louis-Sidney, un délinquant connu des services de renseignement pour être "un islamiste fanatique, qui appelait sans cesse au jihad armé".

Dans son entourage apparaît Jérémy Bailly, petit délinquant converti à l’islamisme radical, qui "appelait à la dépossession des mécréants", et "considéré comme son lieutenant". A Torcy, dans un box au nom de Bailly, sont découverts un arsenal et tout le nécessaire pour fabriquer un engin explosif. Bailly a reconnu devant le juge que tout cela devait servir à "fabriquer une bombe" pour "la poser chez des militaires ou des sionistes".

A l’audience, il a à nouveau "reconnu tous les faits", sauf sa participation à l’attentat de Sarcelles. "Je n’ai jamais lancé de grenade."

Le 6 octobre 2012, un premier coup de filet est lancé pour arrêter une vingtaine de personnes. Les policiers, qui ont saisi armes, testaments religieux et listes de cibles potentielles, sont convaincus d’avoir démantelé une cellule en plein essor. D’autres arrestations suivent jusqu’en 2014, pour ceux qui rentrent de Syrie.

"Notre enquête a pris la forme d’une course en avant", se souvient l’officier, persuadée que les arrestations successives "ont permis d’éviter des attentats en région parisienne et aussi dans le sud-est". "On avait le sentiment que la menace pouvait venir de partout."

Les prochains jours seront consacrés aux auditions d’autres enquêteurs.

Source : nicematin.com
Auteur : avec AFP
Date : 10 mai 2017

Crédit photos : Source : nicematin.com Auteur : avec AFP Date : 10 mai 2017

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