Puisseguin : ce que révèle l’enquête

« Sud Ouest » publie les conclusions de l’enquête menée par la section de recherches de la gendarmerie de Bordeaux. L’ajout d’un réservoir pourrait être à l’origine du drame.

Les derniers rapports d’expertise ne sont pas encore parvenus sur le bureau du juge d’instruction de Libourne, Emmanuel Fantapie. Mais ils ne devraient pas modifier les conclusions de l’enquête conduite par la section de recherches de la gendarmerie de Bordeaux. Les causes de la terrible collision entre un camion et un car ayant coûté la vie à 43 personnes, le 23 octobre 2015, à Puisseguin, non loin de Saint-Émilion, en Gironde, ont été identifiées. Selon le scénario aujourd’hui retenu, un second réservoir de carburant situé à l’arrière du tracteur du poids lourd serait à l’origine de la catastrophe.

Perte de contrôle

Détruits par l’incendie, les relevés des chronotachygraphes, qui mesurent notamment la vitesse des véhicules, n’ont pas pu être exploités. Mais les investigations techniques ont confirmé la version de David Daubigeon, le chauffeur de l’autocar. Cyril Aleixandre, le fils d’un petit transporteur de l’Orne, a perdu le contrôle de l’ensemble routier à l’entrée d’un virage de la départementale 17, entre Puisseguin et Saint-Genès-de-Castillon. Le semi-remorque, qui circulait à vide, s’est retrouvé en portefeuille, avant de se déporter sur la gauche et de percuter le car du club du troisième âge de Petit-Palais qui roulait à faible allure en sens inverse.

La courbe était réputée dangereuse. Initialement pointés du doigt, la signalétique et l’état de la chaussée ne sont pas à l’origine du drame. Celui-ci résulterait d’un funeste enchaînement de circonstances.

Passionné de mécanique, très attentif à l’entretien de son camion, dans lequel il aimait transporter son fils de 3 ans, Cyril Aleixandre avait sollicité un constructeur spécialisé pour installer un second réservoir à l’arrière du tracteur.

De part et d’autre de la cabine, il y avait deux coffres de rangement où le chauffeur entreposait différents objets. Pour des raisons pratiques, il avait sans doute choisi de placer à l’intérieur du compartiment le plus proche du siège du conducteur le matériel dont il était susceptible d’avoir besoin le plus fréquemment. C’est là qu’était rangée la tige métallique permettant d’actionner la croix servant à desserrer des écrous.

Réservoir éventré

La violence de la collision a tordu l’armature de la cabine du tracteur. La barre de fer a traversé la carrosserie avant d’éventrer le réservoir, déformé lui aussi par la force de l’impact. Sous pression, le gasoil a été éjecté sous forme d’un nuage de gouttelettes. Projetées sur des parties métalliques proches de l’échappement et donc très chaudes, elles se sont immédiatement enflammées.

Contrairement à une idée communément répandue, en l’absence d’étincelles ou de flammes préexistantes, le gasoil s’enflamme bien plus facilement que l’essence au-delà d’une température de 220 degrés.

Ce brouillard de gasoil incandescent a probablement généré des courts-circuits dans les systèmes électriques voisins, activant de fait la combustion. Les vitres brisées de l’avant du bus, resté au contact du tracteur, ont créé un appel d’air, les gaz du système de climatisation de l’autocar accélérant la propagation de l’incendie. En quelques secondes, comme l’a relaté le chauffeur du car, tout s’est embrasé.

Âgés et peu mobiles, certains passagers ont essayé d’échapper à la fournaise, mais ils ont été happés par le feu et les fumées alimentés par les plastiques, les tissus et les revêtements couvrant les sièges et l’habitacle du car. D’autant que, en s’effondrant à la suite du choc, la rampe d’accès de l’escalier arrière du bus a obstrué le passage vers la sortie. Les victimes sont mortes asphyxiées ou brûlées vives.

Le scénario auquel aboutissent les constatations et les déductions de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et des trois experts judiciaires confirme l’hypothèse de la nébulisation du gasoil, très tôt évoquée par le procureur de Libourne, Christophe Auger.

Il appartient désormais à ce dernier et au juge d’instruction de tirer les conséquences pénales des conclusions de l’enquête. Il semble que l’installation d’un second réservoir n’était pas explicitement autorisée par le constructeur du camion, Fiat Iveco, dont la responsabilité ne paraît pas devoir être engagée.

Pour des raisons d’économies

Un certain nombre de poids lourds en sont pourtant équipés, essentiellement pour des raisons d’économies dans un secteur où la concurrence fait rage en Europe. Cela permet de faire le plein de carburant dans les pays où le prix à la pompe est le moins élevé. La modification apportée par le chauffeur du poids lourd aurait donc une part de responsabilité dans une catastrophe qui n’aurait pas eu lieu si les deux véhicules s’étaient croisés trois secondes plus tôt ou plus tard. Mais on ne peut en faire grief à l’auteur, décédé dans le drame avec son jeune fils. Et rien ne dit que son père, qui s’apprêtait à lui transmettre l’entreprise familiale, était au courant de l’installation de ce second réservoir.

Source : sudouest.fr
Auteurs : Dominique RICHARD et Jean-Michel DESPLOS
Date : 09/07/2016

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