Pupille de la nation : "Une nouvelle famille", pour la fille d’un otage de l’Hyper Cacher

Le père de Victoria faisait partie des personnes retenues en otage par Amedy Coulibaly dans le magasin juif. S’il a survécu, sa famille traumatisée, a pu bénéficier du soutien de l’État.

Victoria a 19 ans. Le 9 janvier 2015, son père a été victime de l’attentat de l’Hyper Cacher, Porte de Vincennes à Paris. Ce jour-là, le terroriste Amedy Coulibaly prend en otage les clients de ce supermarché juif. Il abat quatre personnes de sang-froid, avant d’être tué dans l’assaut des hommes du RAID et de la BRI. Le père de Victoria ressort vivant, après s’être caché durant de longues heures, dans une chambre froide, au sous-sol de l’Hyper Cacher.

"Pour moi, ces choses n’arrivaient qu’aux autres sauf que cette fois c’est arrivé à moi, à ma famille. J’ai cru que j’allais perdre mon père, c’est compliqué pendant 4-5 heures, on était là à se demander ce qui allait se passer, on a l’impression d’être dans un film. Toute ma vie a changé après le 9 janvier. Le choc, il vient après", raconte Victoria.

Traumatisé, son père, arrête de travailler, traverse de longues périodes de dépression. Au lycée, Victoria connaît des difficultés scolaires. Elle n’arrive plus à prendre seule les transports publics. Pour aider la famille, l’État décide alors de lui attribuer le statut de Pupille de la Nation. La jeune fille est prise en charge par l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de guerre.

C’était la première que je rencontrais des personnes qui comprenaient ce que je vivais, qui savaient comment m’aider, et ça a été une lumière dans l’obscurité. Comme je suis fille unique, je suis très proche de mes parents, donc il n’y a rien qui peut substituer mes parents, mais je me sens privilégiée par rapport aux autres parce que je suis soutenue par l’État, c’est une nouvelle famille entre guillemets. C’est vraiment un lien fort que j’ai avec eux", poursuit Victoria.

Aujourd’hui, elle est suivie par une assistante sociale, reçoit un soutien psychologique. Parallèlement, l’État paie, en partie ses études dans une école de communication, finance son permis de conduire et verse des étrennes en fin d’années.

Un statut unique au monde

Mais au-delà du soutien moral et financier, ce statut, unique au monde, fait aujourd’hui partie de l’identité de la jeune fille. Son acte de naissance est désormais estampillé de la mention, "adopté par la nation". Une décision symbolique, prise par un tribunal de grande instance. Au début, ce n’était pas facile pour Victoria d’assumer ce statut. Aujourd’hui, c’est devenu une fierté.

"C’était une reconnaissance du préjudice que l’on a subi parce que dans un sens mon père était là au mauvais endroit au mauvais moment. Il n’a rien demandé, et ça nous est tombé dessus comme ça. Je suis née ici, j’adore la France mais ce statut m’a rapproché de la France et j’ai vu un autre côté de cette nation, solidaire, qui n’oublie pas, qui est là pour ses citoyens", souligne Victoria.

19 enfants devenus pupilles pour les attentats de janvier

Ce statut a été créé en 1917, pour les orphelins de la Grande Guerre. Mais les attentats ont tout changé. Le statut a évolué avec son époque. Comme Victoria, ils sont 19 enfants à être devenues pupilles de la Nation, rien que pour les attentats de janvier 2015. 438 adoptions liées à des actes de terrorisme ont été prononcées en plus de 20 ans.

"Le terrorisme est une nouvelle forme de conflit. C’est une guerre qui ne dit pas son nom. La priorité, sous la protection symbolique de la nation, c’est de leur apporter les moyens de continuer et de dépasser ce traumatisme qu’ils ont vécu, comme un numéro d’appel d’urgence si ces familles ont besoin d’être accompagnées. C’est un statut qui aurait dû disparaître mais la folie des hommes n’est pas prête de disparaître donc tant qu’on a besoin de nous on est là", explique Emmanuelle Double, chef du bureau solidarité à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre.

Une aide essentielle, qui dure, souvent, les premières années après les attentats. Victoria, rêve aujourd’hui de travailler dans la communication politique. Et elle sait, qu’en cas de besoins, l’État, sera toujours là, à ses côtés.

Date : 07/01/2018
Auteur : Nicolas BURNENS
Source : RTL

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