SEISME EN TURQUIE ET EN SYRIE : LA SOLIDARITE S’ORGANISE EN FRANCE

Les membres du club de foot d’Exincourt, dans le Doubs, trient les dons qui partiront ce mardi pour la Turquie. © Maxppp - Jean-Baptiste BORNIER
Les images des immeubles s’effondrant comme des châteaux de cartes, ensevelissant des milliers de personnes, et celles de leurs proches tentant de les extraire à mains nues dans la nuit et le froid glacial, ont fait le tour du monde. Après le terrible séisme qui a frappé dans la nuit de dimanche à lundi le sud de la Turquie et la Syrie, faisant plus de 5.000 morts selon un bilan provisoire, la solidarité s’organise en France pour aider les victimes. De nombreux secouristes bénévoles se sont portés volontaires pour partir sur place et amener du matériel, tandis que la communauté turque de France s’organise pour récolter des dons, dans l’attente angoissante des nouvelles de leurs proches.

Les secouristes en route pour la Turquie

Les secouristes français, pompiers, associations et médecins, n’ont pas attendu l’appel du gouvernement, qui a décidé d’envoyer 136 secouristes sur place, pour commencer à se préparer. Dès lundi soir, le paquetage d’Aurélien Berger, pompier d’Indre-et-Loire, était prêt : "J’ai un duvet, un matelas, un coussin, une couverture, des gants, mon casque, mes lunettes de protection, une ration alimentaire et le nécessaire de toilette", raconte-t-il sur France Bleu Touraine. Direction Adana, une des villes les plus touchées par le séisme, avec une trentaine de pompiers, un médecin et deux maîtres-chiens.
Il sait que ce qu’il attend sera difficile. Outre les scènes d’horreur, la crainte des répliques, le froid et le manque de sommeil, ce qu’il redoute le plus, c’est le désarroi de la population. "Il y a forcément des gens qui nous sollicitent, car ils veulent absolument qu’on aille vérifier leur habitation, raconte Aurélien Berger, mais on doit faire les choses dans l’ordre. Il y a de la tristesse et de la douleur dans leurs yeux. (...) Il faut qu’on ait de la distance, qu’on garde la tête froide."

Du matériel à amener

Comme lui, partout en France, des pompiers sont déjà en route ou se préparent à relever leurs collègues, d’ici à quelques jours. Dans le Calvados, un groupe de pompiers de l’association Pompiers Mission Humanitaire du Calvados quittera Caen mercredi pour rejoindre le sud de la Turquie. Dans leurs bagages : plus de 350 kilos de médicaments, des tentes et une "unité de potabilisation" de l’eau. Car sur place, il n’y a plus rien. Les pompiers du Groupe de Secours Catastrophe Français (GSCF) de Villeneuve d’Asq, eux, devaient arriver ce mardi matin avec du matériel pour localiser les victimes sous les gravas. Des capteurs à installer sur les décombres pour entendre leurs appels à l’aide. Vibraphones, vibrascopes, caméras, tout est bon à prendre.

Parmi les volontaires, des habitués, mais aussi des jeunes qui partent pour la première fois sur une zone touchée par un séisme. C’est le cas de Pauline, originaire de Haute-Loire : "Le maître-mot sera de s’adapter, témoigne-t-elle sur France Bleu Saint-Étienne Loire, parce qu’un pompier professionnel en métropole n’a pas été confronté à une aussi grosse catastrophe naturelle. Il y aura beaucoup de choses à gérer et en même temps on ne sera que des petites mains au milieu d’une immensité de ruines." Elle pourra compter sur les conseils de Gérard, pompier retraité intervenu plusieurs fois sur des terrains similaires, notamment en Haïti en 2010 : "Quand on arrive, on est perdu. Tout est par terre, il n’y a plus de maisons, plus de bâtiments, confirme-t-il. Mais on se reprend vite : dans l’action, l’adrénaline monte et on s’y met."

Outre les pompiers, d’autres secouristes se sont portés volontaires aux quatre coins de la France. Ils font partie d’associations ou d’ONG. C’est le cas d’Éric Zipper, président de l’ONG Corps mondial de secours. Premier défi : arriver sur place, les aéroports des zones sinistrées étant fermés et les routes détruites. "D’après nos informations, l’accès est difficile, il y a de la neige on est en montagne, il y a beaucoup de destructions", témoigne-t-il sur France Bleu Alsace. Viendra ensuite "une première mission d’évaluation de reconnaissance" avant de pouvoir enfin aider à extraire les victimes ensevelies.

Aider les victimes ensevelies

Elles sont la priorité, confirme Patrick Villardry, secouriste et président de l’association ULIS (Unité légère d’intervention et de secours) située à Saint-Laurent-du-Var. À cause du froid, "nous avons jusqu’à samedi pour trouver de potentielles personnes vivantes", selon ses estimations. "Après, il sera trop tard car le froid et le phénomène d’hypothermie aura fait son travail". C’est donc une course contre la montre qui s’engage. "Lorsqu’il fait chaud, une personne peut rester 10 à 12 jours ensevelie, mais là, le corps humain tient un certain temps mais après il chute et c’est fini", précise Patrick Villardry.

En plus des victimes ensevelies, il faut aussi aider les populations qui se retrouvent sans abris, livrées au froid mordant de l’hiver, sans eau, ni nourriture, ni médicaments. Selon l’OMS, jusqu’à 23 millions de personnes pourraient subir les conséquences de ces séismes. Hatice, une ancienne habitante de Belfort et qui vit aujourd’hui à Gaziantep, vit ainsi réfugiée dans sa voiture, comme tous ses voisins. Ce lundi, la terre "a tremblé au moins dix fois, raconte-t-elle par téléphone à France Bleu Belfort-Montbéliard. "On ne peut pas rentrer chez nous, on a peur que cela recommence. Alors on ne va rien faire, on va rester comme ça. D’autant qu’il neige, et qu’il fait froid."
Rayif Keskin, élu à la mairie de Châteaubriant, a lui aussi téléphoné à une famille de sa commune, actuellement sur place : "Elle me disait ’on a été choqués, on nous disait de sortir d’un coup, de quitter l’immeuble, sous la neige, dans un climat très froid, très difficile’". La famille s’est mise à l’abri "dans les voitures tellement on avait froid ".

La fondation des Architectes de l’urgence, qui organise depuis Amiens son expédition, s’est justement donnée pour mission de construire des infrastructures de premiers secours sur place, d’"établir des périmètres de sécurité, évacuer des bâtiments, rendre des bâtiments réutilisables", explique Patrick Coulombel, co-fondateur.

Sans nouvelles de leurs proches

Or le relogement, "c’est ce qui coûte généralement le plus" souligne-t-il. La fondation a donc lancé un appel aux dons. Ils ne sont pas les seuls, d’ailleurs. L’association franco-turque de Valence a, elle aussi, lancé une cagnotte. Une solidarité qui permet d’apporter un peu de réconfort aux familles franco-turques de l’hexagone, dont certaines sont toujours dans l’attente angoissante de nouvelles de leurs proches. C’est le cas d’Hassan Sutyemez, installé en Dordogne depuis plus de 20 ans, que France Bleu Périgord a pu rencontrer. Dans son salon, il regarde les informations en boucle, debout devant sa télévision, son téléphone à la main : "J’essaye de les contacter par WhatsApp mais pas de réponse, il n’y a rien qui fonctionne".

Hassan sait que ses parents ont pu se mettre à l’abri, mais il s’inquiète pour des cousins, dont l’immeuble s’est écroulé. "Ils habitaient au cinquième". Il n’a pas de nouvelles.

Assim, lui, a pu joindre sa sœur, qui vit dans la région de Gaziantep, proche des zones sinistrées : "Quand je l’ai eue au téléphone, elle m’a dit ’attends, la maison bouge, je ne peux plus te parler au téléphone, je dois sortir’", raconte ce membre de l’association des amitiés franco-turques de Belfort. France Bleu Vaucluse, de son côté, a pu joindre un Avignonnais d’origine turque, parti en vacances en famille à Gaziantep. "J’ai pris ma mère dans mes bras et j’ai fermé les yeux. Je me suis dit cette fois-ci, c’est fini, on ne va pas s’en sortir, le bâtiment partait dans les deux sens, et finalement nous avons eu un peu de chance, il n’est pas tombé." Il décrit sur place "des scènes de guerre". L’horreur à perte de vue.

Article écrit par Jade Peychieras et publié sur le site Francebleu.fr

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