AZF : L’expert Didier Bergues défend l’explosion d’un sandwich chimique

Ingénieur au centre d’essai de Gramat, l’expert judiciaire Didier Bergues a reproduit l’explosion du hangar 221 après plusieurs essais. Ses explications défendent une catastrophe provoquée par le mélange nitrate, DCCNa et humidité.

Me Daniel Soulez Larivière l’annonce quand il prend la parole après plus de 4 heures d’un long exposé de l’expert Didier Bergues : « Le tir 24 constitue l’élément important du dossier. S’il n’existait pas, nous ne serions sans doute pas là… »

Ce tir 24, pilier de l’accusation, a renvoyé devant la justice pénale Grande Paroisse, son représentant Daniel Grasset et le directeur de l’usine toulousaine AZF, Serge Biechlin. Cet essai remonte au 8 avril 2005 au centre d’étude de Gramat, dans le Lot. Didier Bergues, ingénieur détonicien, expert judiciaire, devait observer les réactions entre nitrate et DCCNa. Une mission confiée par le juge d’instruction Thierry Perriquet qui était soucieux de pousser des expériences initiées par un autre chimiste, François Barat. Didier Bergues a tatônné, additionnant les tentatives pour comprendre comment le hangar 221 avait pu exploser le 21 septembre 2001.

Le nitrate seul n’explose pas. En revanche, avec du DCCNa et de l’humidité, la détonation est systématique. L’humidité existait le 21 septembre 2001 à cause du vent d’Autan. « Accentuée par la présence de la Garonne, située à seulement 250 mètres du hangar 221 », détaille l’expert. Nitrate, humidité… Il manque le DCCNa. « Il arrive du hangar 335. Il n’en faut pas beaucoup. Et quoi qu’on en dise, le nitrate et le DCCNa, quand on les manipule, c’est bonnet blanc et blanc bonnet ». Chargé dans une benne le 19 septembre, le melange est déposé dans le box du hangar 221 vers 10 heures, 17 minutes avant l’explosion. Pourquoi n’a-t-il pas sauté dans la benne ? « Pas d’humidité », affirme l’expert.

Le tir 24 reprend le sandwich cher aux experts judiciaires. Des couches successives qui provoquent la réaction. Les quelques grammes de DCCNa se retrouvent au contact de la croûte du sol, composée de nitrate souillé et humide, avec au-dessus, du nitrate sec. Ce sandwich fait rire, ou exaspère, cela dépend des humeurs, la défense qui le juge « irréel ». Faut dire que quand les produits sont mis en contact, la réaction chimique et la production de trichlorure d’azote commence. Vingt minutes plus tard, le tas explose. Sur les enregistrements vidéo, on retrouve même les fumées noires puis orangées observées par des témoins le 21 septembre 2001 à Toulouse.

« Tous les tests réalisés dans les différents laboratoires, au CNRS à Poitiers, chez TNO en Hollande, à l’institut Semenov en Russie, détonnent », résume Didier Bergues. Est-ce la clef de la catastrophe ? Les experts en sont convaincus. Pas Grande Paroisse, ni Total. Hier soir, Mes Soulez Larivière puis Courrégé ont interrogé Didier Bergues mais presque calmement. Pour mieux contre-attaquer aujourd’hui ? C’est probable, une fois qu’un sachant de la défense aura exposé ses idées et… l’impossibilité du sandwich chimique.

L’heure des confrontations
Les explications de Didier Bergues vont être l’objet de toutes les critiques aujourd’hui de la part de Michel Lefebvre, un chimiste belge qui appuie Total et Grande Paroisse. Cette présentation doit ensuite aussi faire l’objet de critiques de la part des experts judiciaires mais également d’Henri Presles. Cet ancien responsable d’un laboratoire du CNRS à Poitiers a mené des travaux, commandés par Grande Paroisse. Puis l’industriel y a mis fin. Parce que les résultats s’approchaient trop de la catastrophe d’AZF ? Les parties civiles en sont convaincues ; Henri Presles ne l’affirme pas mais s’en étonne, simplement…

Jean COHADON - La Dépêche - 12 01 2012


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