Incendie Vincent Auriol : un bailleur social et une entreprise condamnés

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné jeudi un bailleur social et une entreprise du bâtiment à 30.000 euros d’amende chacun pour l’incendie d’un immeuble du boulevard Vincent-Auriol, à Paris, qui avait fait 17 morts en août 2005. Ils ont également écopé de plus 700.000 euros de dommages et intérêts.

L’association Freha, bailleur social qui gérait cet immeuble vétuste construit en 1894, et la société Paris Banlieue Construction (PBC), qui y avait effectué des travaux, étaient poursuivies pour "homicides et blessures involontaires". L’auteur du sinistre n’a jamais été retrouvé. Le parquet avait requis 35.000 euros d’amende contre Freha et 55.000 contre PBC.

Ils devront également rembourser plus de 2,1 millions d’euros au Fonds de garantie des victimes de terrorisme, ainsi qu’à la Caisse régionale d’assurance-maladie d’Ile-de-France et à la CPAM.

Dix-sept personnes, trois femmes et 14 enfants âgés de deux à 13 ans, toutes d’origine africaine, avaient péri dans cet incendie, survenu dans la nuit du 25 au 26 août 2005. Les experts ont retenu comme hypothèse la "plus probable" la piste d’un incendie d’origine criminelle, et non celle d’une imprudence. Un suspect avait été placé en garde à vue, mais il avait été mis hors de cause par l’enquête. L’absence du véritable auteur des faits s’est fait cruellement sentir pendant le procès et au moment du jugement.

"Pour moi et ma famille, justice n’a pas été faite", a commenté une des proches de victimes, Aminata Sy, qui a perdu sa soeur et quatre neveux dans l’incendie. "Même bétail est mieux que nous" et "l’enquête n’a pas été bien faite", a-t-elle lancé.

Tappa Kanouté, porte-parole des familles des victimes, a dénoncé un "jugement inadmissible sans commune mesure avec les faits". "On n’a pas la personne physique" à l’origine de l’incendie à cause d’une "enquête de police bâclée", a-t-il accusé.

"Personne ne peut être satisfait" de ce jugement alors que "le véritable responsable n’est pas là", a reconnu l’avocat de Freha, Me Yves Baudelot. "On est en présence de boucs émissaires, qui ont une responsabilité que je ne veux pas contester, mais qui est extrêmement limitée." Il a en outre dénoncé une "carence totale" dans cette affaire de l’Etat qui "n’a rien fait pour reloger les familles". "Pendant des années, on a demandé à ce que les gens soient relogés, ça nous a été refusé", et "avec les moyens du bord, l’association Freha a fait ce qu’elle pouvait".

Cependant, pour le tribunal, "Freha, en négligeant son obligation générale de sécurité et en commettant l’imprudence de faire apposer (des) plaques de contreplaqué (dans la cage d’escalier), et la société PBC, en acceptant un chantier pour lequel ils n’avaient aucune compétence, en perdant de vue son obligation de conseil et en ne s’interrogeant pas sur l’inflammabilité du matériel qu’ils posaient dans les communs d’un immeuble vétuste et sur-occupé, ont involontairement" causé le drame. L’association "n’avait en aucun cas, dans le but de supprimer un risque, l’obligation d’en créer un autre qui s’est révélé encore plus redoutable", ajoute le jugement.

Le feu s’était déclaré sous la cage d’escalier où les familles stockaient des poussettes. Il s’est ensuite propagé par des plaques de contreplaqué posées sur les murs de la cage d’escalier afin d’éviter que les enfants n’ingèrent de la peinture au plomb, facteur de saturnisme, une grave maladie. Mais des experts avaient mis en cause ces panneaux, estimant que leur présence avait eu "une influence majeure" sur la propagation de l’incendie.

Lors du procès fin septembre, Raymond Fabris, conducteur de travaux chez PBC, avait expliqué que sa société avait été sollicitée en urgence fin juillet 2000 pour effectuer la pose des contreplaqués. Cette pose devait être provisoire, en attendant une réhabilitation de l’immeuble qui n’avait toujours pas été lancée au moment du drame.

Le bâtiment avait été choisi en 1991 pour accueillir des familles squattant sur le terrain destiné à accueillir la future bibliothèque nationale de France. La préfecture de Paris leur avait proposé de s’installer dans cet immeuble vide qui était voué à la démolition. L’association Emmaüs de Paris avait accepté d’assurer la gestion de cet immeuble, avant que celle-ci ne soit reprise par Freha. Le bailleur social affirme avoir demandé régulièrement, sans succès, le relogement des 130 familles vivant là. Et beaucoup ont été choqués, dans cette affaire, par la rapidité avec laquelle elles ont été relogées après le drame.

AP - 19 janvier 2012


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