Procès AZF : la cour entend le sous-traitant qui a déversé la benne litigieuse dans le hangar 221

Au cours de sa onzième semaine d’audience, la cour d’appel de Toulouse a entendu jeudi après-midi Gilles Fauré, chauffeur poids-lourd dans une entreprise sous-traitante d’AZF. Ce témoin-clé du dossier a déversé une benne à déchets litigieuse sur un tas de nitrate dans le hangar 221 de l’usine, vingt à trente minutes avant la catastrophe du 21 septembre 2001 qui a fait 31 morts et des milliers de blessés. Mis en examen en juin 2002, Gilles Fauré a bénéficié d’un non-lieu le 16 juillet 2006.

Au terme de six ans d’enquête pour expliquer les causes de cette catastrophe industrielle, les experts judiciaires ont conclu dans leur rapport final à un accident chimique. Selon eux, il aurait été provoqué par le mélange dans une benne à déchets de DCCNa, un produit chloré, avec une demi-tonne de nitrate d’ammonium déversé vingt minutes avant l’explosion sur un tas de nitrate déclassé dans le hangar 221 de l’usine. D’après le dossier d’instruction, ce produit chloré provenait de fonds de sacs stockés dans le hangar 335 affecté au triage pour le recyclage des sacs utilisés dans l’usine.

Employé depuis 1993 à la Surca, société de recyclage, Gilles Fauré est intervenu sur le site de Grande Paroisse, propriétaire de l’usine AZF à partir de 1994 pour trier les différents déchets. Le chauffeur poids-lourd avait notamment pour mission de transporter les refus de cribles de nitrate d’ammonium agricole, de l’engrais non commercialisable, dans le hangar 221 dédiés au nitrate déclassé.

Gilles Fauré était aussi en charge des récupérer des sacs plastiques usagés provenant de toute l’usine, y compris de l’atelier ACD où étaient entre autres fabriqués des produits chlorés et de les entreposer dans le hangar 335, mis à la disposition de la Surca par Grande Paroisse. Ces sacs plastiques étaient ensuite récupérés et recyclés par l’entreprise Forinserplast.

A la barre, Gilles Fauré a raconté les différents travaux qu’il a effectués quelques jours avant le drame. Le 19 septembre, après le passage de Forinserplast dans le hangar 335, l’employé de la Surca a expliqué avoir remarqué "un sac anormalement rempli d’ammonitrates".

"Ma première idée a été de le ramener à l’atelier concerné, celui des ammonitrates, avec le camion mis à ma disposition. En le soulevant avec le crochet de mon camion, je me suis aperçu qu’il se craquelait, se déchirait et que le produit tombait par terre. Je suis alors allé chercher une benne de 7m3 que j’ai placée à proximité du sac. J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai fini de déchirer le sac et j’ai pris une pelle pour transvaser le produit dans la benne. J’ai balayé ce qui restait au sol et je l’ai mis dans un container à part. Faute de temps, j’ai laissé la benne près du hangar 335 jusqu’au 21 septembre", a raconté à la barre Gilles Fauré. Le 21 septembre, après avoir demandé "par conscience professionnelle" à Georges Paillas, chef d’atelier des expéditions de l’usine, l’autorisation de transporter cette benne vers le hangar 221, Gilles Fauré a déversé son contenu sur un tas de nitrate dans le box d’entrée du bâtiment 221.

Longuement interrogé sur le sujet, M. Fauré a répété plusieurs fois ne jamais avoir manipulé de sacs de DCCNa, le produit chloré mis en cause dans l’explosion par les experts judiciaires. "Des sacs de DCCNa, il n’en est jamais passé par mes mains en huit ans (...) Si j’avais un doute sur un produit, je ne faisais rien de ma propre initiative, j’allais voir le responsable d’atelier", a-t-il ajouté, en précisant qu’il ne lui était jamais arrivé de trouver des produits chlorés dans le 335 et qu’il n’y avait jamais détecté d’odeurs chlorées.

Le 21 septembre 2001, l’explosion de l’usine AZote Fertilisants (AZF) de Toulouse, d’une magnitude 3,4 sur l’échelle de Richter et ressentie jusqu’à 75km de distance, avait fait 31 morts, dont 21 sur le site de l’usine, et plusieurs milliers de blessés.

A l’issue de l’instruction, seuls Serge Biechlin, directeur de l’usine AZF et Grande Paroisse, propriétaire du site chimique et filiale du groupe Total, avaient été renvoyés devant la justice pour "homicides et blessures involontaires" et "destructions de biens". M. Biechlin comme Grande Paroisse, poursuivie en qualité de personne morale, ont été relaxés en première instance au "bénéfice du doute". Leur procès en appel a démarré le 3 novembre dernier et doit se terminer fin février.

AP - Le 19 janvier 2012


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