Attentat du City of Poros : 23 ans après, réhabiliter deux victimes françaises

l’été 1988, son fils fut tué dans l’attaque terroriste du City of Poros. Puis, invraisemblablement, la Grèce accusa le Français atteint de deux balles dans le dos d’avoir été le tireur. Vingt-trois ans après, Christiane Vigneron attend toujours que son enfant soit réhabilité.

A la veille du procès qui s’ouvre lundi à Paris, Mme Vigneron dit souvent "les enfants" quand elle évoque, au téléphone, son fils Laurent et la jeune femme avec laquelle il voyageait en amoureux, Annie Audejean.

"Laurent avait 22 ans, il finissait ses études à Paris. Il allait partir au service militaire et se fiancer avec Annie au cours d’une fête prévue le week-end suivant leur retour de Grèce. Ils étaient très heureux".

Tous deux ont été tués dans l’attentat attribué au groupe palestinien d’Abou Nidal, sur le bateau de croisière City of Poros.

Mme Vigneron, sage-femme retraitée aujourd’hui âgée de 70 ans, se souvient qu’elle apprit leur mort en appelant elle-même leur hôtel en Grèce et que le lendemain, elle reçut un appel du ministère français des Affaires étrangères : "Un monsieur m’a dit : +madame, il va vous arriver pire encore, votre fils va être accusé par les Grecs d’être un terroriste et on ne pourra rien faire pour arrêter cette accusation... Au revoir, madame+..."

"On est restés avec ça. C’est passé aux infos tout de suite après. Puis on a su que des journalistes essayaient d’enjamber le mur de chez nous, dans notre petit village du Cher", raconte-t-elle, se souvenant de ses voisins scandalisés et solidaires qui jamais ne crurent aux accusations portées contre Laurent.

"des assassins sans visage"

Une autre victime française, Isabelle Bismuth, morte à 21 ans, fut elle aussi soupçonnée par les autorités grecques d’être membre du commando, pour avoir joué aux cartes, sur le bateau, avec un terroriste dont elle ignorait tout.

Au procès, Mme Vigneron appréhende encore d’avoir à entendre certains détails dans le récit des faits.

"Un mois après (l’attentat), sans qu’on ait été prévenu, le facteur nous avait apporté le rapport d’autopsie qu’on n’avait pas demandé. On avait tourné autour de cette enveloppe. Et finalement, on l’avait ouverte. Notre +chance+, c’est que c’était en grec. On n’a jamais voulu savoir".

L’ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises, non plus, Mme Vigneron et son mari Jean-Charles n’ont pas pu la lire... "On s’est dit que ce n’était pas la peine de se faire du mal".

"Si on est dans un esprit de vengeance, on ne peut pas avancer dans sa vie", glisse-t-elle, en reconnaissant ne s’être jamais "plongée" dans l’enquête sur le groupe d’Abou Nidal (décédé en 2002). Alors "le fait qu’il n’y ait personne dans le box des accusés (deux Libanais et un Jordanien, mort ou en fuite, jugés par défaut, ndlr), ma foi, ce n’est pas plus mal : des assassins sans visage..."

"Si j’en veux à quelqu’un, dit-elle, c’est bien au gouvernement français de l’époque. Je me demande toujours pourquoi les Grecs ont accusé Laurent, pourquoi la France a laissé dire. On n’a jamais entendu les autorités françaises démentir". Et des courriers envoyés à l’époque au président François Mitterrand restèrent selon elle sans réponse.

Au procès, "entendre une parole publique qui dirait que tout le monde sait que Laurent était innocent, ce serait important. Surtout pour notre autre fils qui avait 18 ans au moment de la mort de son frère. Il en a aujourd’hui 41".

AFP - 25 février 2012


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes