Attentat du City of Poros : le procès, 23 ans après

Lundi s’ouvre le procès de l’attentat du City of Poros. En Grèce, en 1988, deux Berrichons étaient morts sur ce bateau. L’un d’eux avait même été accusé d’être l’un des terroristes.

Laurent Vigneron et Annie Audejean auraient dû se fiancer le samedi 16 juillet 1988 à Soye-en-Septaine. Ils sont morts le lundi précédent, au large d’Athènes. Victimes du terrorisme. Sorte de tragédie grecque des temps modernes.

Alors que s’ouvre lundi à Paris le procès de leurs bourreaux présumés et absents, nous avons rencontré leurs parents. La tristesse est toujours présente, intériorisée, touchante.

Pour ne pas subir à nouveau la curiosité médiatique, c’est eux qui nous ont contactés les premiers. Pas pour faire de la publicité. Ni pour exhiber leur détresse à tous les lecteurs. Mais pour que ne soit pas écornée la mémoire de leurs enfants.

Laurent Vigneron et Annie Audejean, originaires de Soye-en-Septaine et Mehun-sur-Yèvre, étaient élèves ingénieurs. L’un à Paris, l’autre à Lille. Ils se sont rencontrés en classe préparatoire, au lycée Henri-Brisson, à Vierzon. " Ils étaient tous les deux beaux, intelligents, brillants, tout le monde le disait ", résume Christiane Vigneron, la mère de Laurent, qui habite aujourd’hui Bourges avec son mari Jean-Charles.

Le dernier jour de leurs vacances en Grèce, ils ont embarqué sur le City of Poros pour faire le tour du golfe Saronique. Vers 18h45, un homme a tiré sur les touristes, lancé une grenade et une bombe. Laurent a été atteint de deux balles à l’épaule et brûlé par l’explosion de la bombe. Annie, elle, a été entièrement brûlée par l’incendie.

" On l’avait si bien réussie. " C’est que les époux Audejean se sont dits sur le coup. Ce facteur et cette institutrice à la retraite parlent peu de leur fille, entre eux et aux autres. " C’est comme un noeud à l’intérieur du corps ", analyse Jacqueline. Pour continuer à vivre, le couple mehunois a sauvé les apparences, n’a pas voulu montrer sa douleur. " On ne s’est jamais effondrés en mémoire de notre fille, qui était une battante ", dit-il.

La famille Vigneron a appris la mort de Laurent trois jours après le drame. Le jeudi. Elle n’était pas au bout de ses peines. Christiane se souvient comme si c’était hier du coup de fil des affaires étrangères, le vendredi. " On m’a dit "votre fils va être accusé d’être un terroriste et on ne peut rien faire pour arrêter l’information". "

La machine s’est emballée. La tête de Laurent est passée au journal télé, les médias grecs l’ont désigné comme coupable et des journalistes ont grimpé le mur bordant la maison familiale de Soye-en-Septaine.

Cette sage-femme et ce commercial, aujourd’hui retraités, ont alors déposé plainte au parquet de Paris pour qu’une enquête judiciaire soit ouverte. Parti à Athènes en octobre, le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière raconte avoir été ahuri devant l’inconsistance des accusations contre Laurent. " La plupart des dépositions étaient anonymes et bâclées ", dit le magistrat dans son livre Ce que je n’ai pas pu dire. Surtout, on a tiré sur Laurent dans le dos...

Il a tout de même fallu attendre janvier pour que le procureur du Pirée abandonne les charges contre Laurent. Mais aujourd’hui encore, rien ni personne n’a démenti officiellement ces premières accusations. Christiane aurait tout simplement voulu un peu plus d’humanité de la part de son pays. " On nous a ignorés ", regrette-t-elle.

Défendus par Me Francis Szpiner, les quatre parents n’attendent pas grand-chose de ce procès. Ils auraient même préféré qu’il n’y en ait pas. Ils ont peur d’entendre trop de détails.

Annie et Laurent, eux, reposent dans le cimetière de Saint-Doulchard. À mi-chemin entre Soye-en-Septaine et Mehun-sur-Yèvre. Ensemble.

Guillaume Bellavoine - Le Berry.fr - Le 25 février 2012


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