AZF : Total doute de « l’impartialité » de la cour

INTERVIEW - Me Daniel Soulez-Larivière, avocat de Grande Paroisse (Groupe Total), menace de ne pas revenir à l’audience.

Seront-ils de retour à l’audience du procès en appel de la catastrophe de l’usine AZF de Toulouse pour assister à la dernière journée de débats ? Les avocats de Grande Paroisse (Groupe Total) et de Serge Biechlin, ex-directeur d’AZF, font durer le suspense. Il y a une semaine, ils avaient réclamé la récusation d’un conseiller assesseur : ils lui reprochaient d’avoir commis un geste injurieux à la fin de l’audience du 16 février dernier. Saisi de l’affaire, le premier président de la cour d’appel de Toulouse a estimé dans son ordonnance qu’il n’y avait « pas motif de récusation ». Me Daniel Soulez-Larivière revient sur cette affaire alors que le procès entre dans la dernière phase : plaidoiries des parties civiles à partir de demain, réquisitoire le 9 mars et plaidoiries de la défense, à partir du 12 mars.

LE FIGARO. - Votre demande de récusation a été rejetée. Est-ce un échec ?

Me Daniel SOULEZ-LARIVIÈRE.- La réalité de ce que nous disons n’a pas été contestée. Le geste a été reconnu « pour le moins maladroit ». C’est évidemment une décision un peu contradictoire ! Elle essaie de ne pas nier la réalité des faits en leur donnant un sens différent et en faisant en sorte que la composition de la cour reste la même et que le procès continue.

Pour vous, ce geste semble traduire un mal plus profond ?

Oui. Ce geste, un signe de la main pour dire « fermez-la », c’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Depuis le début du procès, les questions de ce magistrat sont systématiquement à charge. Un jour, je me suis même fâché en lui rappelant que ce n’était pas le rôle d’un magistrat du siège. Un juge doit donner une impression d’impartialité. Alors, certes, dans son ordonnance, le premier président a expliqué le contraire, mais ce n’est pas notre sentiment ! Il y a une franche hostilité d’un membre de la cour contre la défense, ce qui est fort désagréable.

Vous avez déjà manifesté votre colère en boycottant une audience ?

Ce n’était pas de la colère ! Nous étions absents mardi dernier à l’audience, mais c’était une réaction réfléchie qui nous semblait adaptée à une situation donnée. Doit-on revenir à l’audience cet après-midi ? Nous terminons notre réflexion. Nous trancherons dans la matinée. Il n’y a aucun chantage de notre part. Il n’y a pas de pression. Lorsque vous êtes avocat, il faut un minimum de crédibilité à votre parole. Si vous avez le sentiment que cette parole est déjà refusée, est-ce utile de se lever pour plaider ?

Certains ont dit, notamment du côté des parties civiles, « c’est encore une stratégie du Groupe Total »..

Il n’y a pas de stratégie ou de manipulation. Nous subissons les événements. Nous avons été relaxés par le tribunal et maintenant nous sommes traînés devant la cour. Nous réagissons en hommes et en avocats. Cela me semble tout à fait normal. Nous ne jouons pas un jeu personnel, nous agissons dans l’intérêt de nos clients.

Aviez-vous déjà été confronté à ce genre de situation ?

Il m’a fallu attendre quarante-cinq ans de carrière pour voir un tel geste de la part d’un juge du siège. Même devant la cour de sûreté avec des audiences tordues, complexes ou violentes, je n’avais jamais vu cela ! Si un avocat se comporte de cette façon, cela s’appelle un « outrage à magistrat ». Cela peut se traduire par des sanctions après une procédure disciplinaire.

Le Figaro.fr - 27 février 2012


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes