AZF : peines maximales requises

« Responsables et coupables. » C’est par cette formule que le procureur de la République, Patrice Michel a clos ses (très) longues réquisitions, hier en fin d’après-midi, devant le tribunal correctionnel de Toulouse qui juge depuis quatre mois la catastrophe d’AZF. Il a réclamé « le maximum de la peine prévue par le législateur » en cas d’homicides et de blessures involontaires. Soit trois ans de prison avec sursis et 45 000 euros d’amende contre Serge Biechlin, le directeur de l’usine toulousaine en 2001 ; et 225 000 euros d’amende contre Grande Paroisse SA, propriétaire du site et filiale de Total.

Le procureur a également requis la publication du jugement dans huit magazines et quotidiens, ainsi que sur le site Internet du groupe Total. Mais il n’a pas demandé l’exécution provisoire de la décision à venir (délibéré à fin novembre), laquelle sera à coup sûr frappée d’appel que ce soit une relaxe ou une condamnation.

Sans Total

À procès marathon, réquisitoire fleuve. Commencé à 8 h 35, il s’est achevé à 18 h 15. Pendant près de huit heures, Patrice Michel et sa collègue, Claudie Viaud, se sont relayés pour porter le fer contre ceux qu’ils désignent comme les seuls et uniques responsables « de la plus dramatique catastrophe industrielle depuis 1945 ».

Leur cible exclusive : Serge Biechlin et Grande Paroisse. Pas une seule fois, ils n’auront prononcé le nom de Total. Sauf en fin de course pour juger « irrecevables » les citations directes délivrées par une trentaine de parties civiles contre le groupe pétrolier. Position « strictement juridique » adoptée durant l’instruction et que le procès n’a en rien modifiée.

Huit heures, il n’en faut pas moins pour résumer les 100 tomes du dossier AZF. L’affaire est complexe et certains se sont acharnés à la compliquer encore plus. Patrice Michel pointe du doigt la commission d’enquête interne de Grande Paroisse accusée sinon d’entrave à la justice (elle a bénéficié d’un non-lieu sur ce point) mais de mensonges par omission, de rétention d’informations, de dissimulation de documents...

Difficile recherche de la vérité. La thèse de l’accident chimique est contestée, les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux, les chimistes se renvoient l’éprouvette. Le ministère public, lui, préfère écouter les experts judiciaires désignés par le juge d’instruction, plutôt que « les sachants privés » recrutés par Grande Paroisse. Les uns sont indépendants, les autres « ne rendent compte qu’à celui qui les rémunère ».

Dysfonctionnements

Et, à la limite, qu’importe la composition exacte du cocktail qui a soufflé le hangar 221 ce 21 septembre 2001. S’il y a eu explosion, c’est qu’il y a eu dysfonctionnements. « Il n’y a pas de fatalité, martèle Patrice Michel. Toute catastrophe trouve son origine dans une succession d’erreurs humaines. »

Avec Claudie Viaud, il les liste point par point. La faute originelle tient à l’activité même d’AZF : « La seule usine chimique d’Europe qui travaillait des nitrates et du chlore, deux produits totalement incompatibles. » À chacun sa zone de production, en théorie. Mais dans les faits la frontière était loin d’être étanche.

« Chez AZF, les circuits de production fonctionnaient normalement, mais ce n’était pas le cas des fonctions périphériques confiées à des sous-traitants », poursuit Claudie Viaud. Comme la collecte et le traitement des déchets industriels assurés par trois entreprises « en dehors de tout contrôle ».

C’est là que l’accusation traque les causes de la catastrophe. Et établit la responsabilité pénale de Serge Biechlin et Grande Paroisse. Ils se sont désintéressés du stockage des produits déclassés, de la gestion des déchets, de la formation à la sécurité des salariés des sous-traitants. « Ils se sont crus à l’abri de tout problème, ils se sont affranchis des règles les plus élémentaires de sécurité. Dans une usine classée Seveso 2 - seuil haut ! - Serge Biechlin ne pouvait ignorer le risque qu’il faisait courir à ses salariés. À force de côtoyer le danger ils l’ont tous oublié. »

LePoint.fr


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