AZF : la Défense invoque l’absence de véritable explication

Après quatre cents heures de débats et 71 audiences depuis le 23 février, le président a annoncé que le jugement serait rendu le 19 novembre.

Il arbore la mine triste et lasse de l’homme qui, au fond, aurait déjà perdu la plus importante des batailles. « Pour moi, cette affaire est un échec », glisse d’ailleurs Me Daniel Soulez-Larivière aux tout premiers mots de sa plaidoirie. Un échec ? L’avocat de Serge Biechlin et de la société Grande Paroisse développe : « Je ne sais toujours pas ce qui s’est passé le 21 septembre 2001 et j’en éprouve une frustration majeure. » Ce qui, exprimé autrement, revient à dire que la thèse de l’accusation ne suffit décidément pas à expliquer l’explosion de l’usine AZF et ses 31 morts.

Intervenant après Mes Mauricia Courrégé, Chantal Bonnard et Simon Foreman, Daniel Soulez-Larivière s’est efforcé lundi tout à la fois de synthétiser la position de la défense et de colmater quelques brèches creusées, quatre mois durant, par les parties civiles. Ainsi, il a réfuté les soupçons d’entraves à l’enquête judiciaire maintes fois formulées contre la commission d’enquête interne de Total. De même, il a démenti avoir « caché » un rapport d’expertise privé qui, plutôt favorable au scénario de l’accident chimique, n’a été communiqué au tribunal qu’après l’ouverture du procès. Enfin, au procureur qui l’accuse d’avoir voulu « intoxiquer » la justice avec la piste terroriste, l’avocat a rétorqué : « À cet égard, nous avons toujours mis les deux pieds sur le frein car il y avait là des relents extrêmement déplaisants. »

Sans revenir en détail sur le travail des experts judiciaires, qui a été abondamment critiqué par ses associés la semaine dernière, Me Soulez-Larivière a par ailleurs martelé lundi que le scénario de l’accident chimique « ne marche pas ». Selon lui, l’accusation s’est révélée incapable de prouver que les nitrates d’ammonium et les dérivés chlorés fabriqués dans l’usine sont entrés en contact. Par ailleurs, il persiste à contester la portée du « tir 24 » qui, réalisé par les experts judiciaires au centre d’études de Gramat, a reconstitué une explosion à partir de ces deux substances. « Au final, tranche l’avocat, c’est un peu comme une affaire dans laquelle on chercherait l’arme du crime en vain alors qu’on ne sait même pas si cette arme est capable de donner la mort. »

« Maladresse »

Avant de conclure, le défenseur de Grande Paroisse a aussi épinglé la « maladresse » de Jacques Chirac et de Lionel Jospin, qui, dès le 21 septembre 2001, ont cru pouvoir privilégier la thèse accidentelle. « Les politiques ont bien changé depuis lors », sourit Me Soulez-Larivière en soulignant que Nicolas Sarkozy s’est tout récemment abstenu de privilégier une hypothèse après le crash du vol Rio-Paris. Puis, le ton soudain plus grave, l’avocat a invité le tribunal à ne pas oublier la voix des divers témoins qui ont livré une description de l’explosion manifestement incompatible avec la thèse des experts.

L’un a évoqué deux détonations, accompagnées de deux sons et deux dégagements de fumée distincts. L’autre, garagiste de profession, raconte que l’électricité de son installation est tombée en panne plusieurs secondes avant l’explosion. Une troisième, qui jouait au golf au moment du drame, affirme avoir vu une fusée s’abattre sur l’usine AZF. « Ces témoignages-là, je ne peux pas les mettre dans les poubelles de l’histoire, plaide Me Soulez-Larivière. Ils tambourinent à la porte de ce procès comme, en psychanalyse, le refoulé tambourine à la porte de la conscience. » Sans effet de manches, d’une voix étonnamment basse, Me Soulez-Larivière vient de conclure sa plaidoirie. Au moment de se rasseoir, il a simplement demandé la relaxe de ses clients, invitant le tribunal à se prononcer sur l’affaire AZF « comme dans une affaire ordinaire ».

Le Figaro.fr 29 juin 2009


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