Procès Concorde : un ancien cadre de la DGAC visé

Dix-huit mois ont été requis contre Claude Frantzen, 74 ans, qui aurait fallli à ses missions de contrôle.

Le procès en appel du Concorde qui se poursuit à Versailles jusqu’au 18 juin prochain a réservé des surprises, ce mercredi. Au cours de cette journée importante consacrée aux réquisitions, il a été demandé pour la première fois à l’audience, la condamnation d’un fonctionnaire français, en l’occurrence un ex-cadre de la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile). À l’inverse, la compagnie américaine Continental Airlines a été, comme en première instance, tenue pour responsable de ce drame survenu le 25 juillet 2000. Ce jour-là, l’appareil qui venait de décoller de Roissy-Charles-de-Gaulle s’était écrasé quelques minutes plus tard à Gonesse causant la mort de 113 personnes. Ce drame avait stoppé net la destinée de cet avion mythique, cloué au sol quatre mois plus tard.

Comme à Pontoise, lors du premier procès en 2010, Continental Airlines est donc impliquée dans ce drame selon le procureur, Michel Debacq qui a requis 225.000 euros d’amende. Un montant plus élevé que les 175.000 euros réclamé, il y a deux ans. Et c’est à nouveau la thèse qui a toujours prévalu qui a été mise en avant. Un DC10 de la compagnie américaine avait perdu une lamelle métallique sur la piste de Roissy. Le Concorde qui avait roulé dessus, avait subi des dommages en chaîne jusqu’à la catastrophe. Une de ses roues avait explosé, les débris du pneumatique avaient perforé l’un des réservoirs qui s’était embrasé. Quelques minutes plus tard, le supersonique s’était écrasé.

Les témoins de Continental n’ont pas convaincu

Une fois de plus aussi, la version défendue par Me Metzner, avocat de la compagnie poursuivie, n’a pas convaincu. Pour ce deuxième procès, le ténor parisien avait pourtant fait venir à la barre plusieurs témoins qui ont tous vu des flammes surgir du Concorde avant que ce dernier roule sur la lamelle. Sans mettre en cause leur bonne foi, Michel Debacq a estimé qu’il avait été difficile pour ces personnes d’avoir eu « une vision claire, nette et précise des choses ». « Il y a certainement eu un premier embrasement suivi « d’un embrasement général », a t-il suggéré. De quoi, selon lui, susciter la confusion.

Mais contrairement aux premiers magistrats, Michel Debacq n’a pas réclamé la condamnation de John Taylor, ce chaudronnier qui avait posé la lamelle. Pourtant à Pontoise comme à Versailles, tous conviennent que cet ouvrier avait fait un bien mauvais travail de réparation. « Un ouvrier qualifié comme Taylor ne met pas une pièce sur un support aussi dégradé. C’est contraire à l’art ! Et il a mal coupé la lamelle », a souligné le magistrat. Seulement, le chaudronnier n’avait pas mesuré les suites dramatiques de cette réparation à la va-vite. « Il n’y a pas eu conscience du risque », a souligné le procureur. Un raisonnement qui a donc conduit à la relaxe. Pour son responsable, Stanley Ford, qui n’avait pas contrôlé cette réparation, la relaxe a également été demandée. Une position identique à celle de Pontoise. « Car il s’agit d’une faute simple », a précisé le parquet. Alors pourquoi en arriver à la condamnation de l’entreprise américaine dès lors que ses deux employés ne doivent pas être poursuivis comme le suggère le magistrat ? En tant que personne morale, elle doit répondre « d’une faute de négligence dans l’entretien de cet avion », a souligné Michel Debacq.

Un supersonique à la vie émaillée d’incidents

Le volet français de l’affaire a donc donné lieu à une nouvelle position du parquet. Contre Claude Frantzen, 74 ans, ancien haut cadre de la DGAC, 18 mois de prison avec sursis ont été requis. Lors du procès en première instance, le parquet qui avait demandé la relaxe avait été suivi. Cette fois, le ministère public, représenté par Jean-Louis Bernardeau, a jugé qu’il avait fallli à ses missions de contrôle. La vie du supersonique avait été émaillée d’incidents, affectant notamment ses pneus et ce responsable n’a pas « fait preuve de réactivité », a regretté le magistrat. Pourtant Claude Frantzen était selon lui, l’homme de la situation. « Pendant un quart de siècle, il s’est chargé de la sécurité aéronautique, il était la mémoire du Concorde dans l’aviation civile ». Après de graves incidents en 1979, 1985 et 1993, le haut fonctionnaire aurait dû signer « la suspension du certificat de navigabilité ». « Une décision rare », admet le magistrat mais qui aurait évité, selon lui, le drame de Gonesse. Les conséquences d’une pareille mesure sur le trafic auraient d’ailleurs été dérisoires. »Le Concorde en France c’était un vol par jour avec 60 à 70 personnes », a souligné Jean-Louis Bernardeau. Les phrases les plus dures ont été réservées au prévenu français. « Claude Frantzen a contribué au maintien en vol d’un avion au nom du prestige et au détriment de la sécurité », a dénoncé Michel Debacq.

Pour ce procès, deux noms manquent à l’appel. Celui d’Henri Perrier, dirigeant du programme Concorde, depuis décédé. Et celui de Jacques Hérubel, ingénieur en chef du Concorde, relaxé en première instance, et jugé en janvier prochain.

Angélique Négroni, Le Figaro.fr - 13 juin 2012


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