Un couple rescapé de l’accident de leur bus avec un train en République Dominicaine

Patrick Boulonne, directeur du centre Etoile d’Espérance, et sa femme Annabelle Apollon, ont failli laisser la vie dans la collision de leur bus avec un train le 7 juin dernier dans les Caraïbes. Rentrés à Maurice depuis peu, ils racontent leur cauchemar.

Au diable les grands voyages. Depuis le jeudi 7 juin 2012, le Français Patrick Boulonne, 46 ans, et son épouse Mauricienne, Annabelle Apollon, 36 ans, ne veulent plus entendre parler de vacances à cent milles lieux de Maurice. Le directeur du centre Étoile d’Espérance avait décidé de faire la surprise à sa femme en l’emmenant en République Dominicaine mais tous deux ont bien failli y laisser la vie.

Le couple domicilié dans le petit village de Bambous-Virieux figure parmi la vingtaine de rescapés d’un terrible accident entre le car qui le transportait avec un train de marchandises dans la région d’’Altagracia, à l’Est de la République Dominicaine. Le train est entré en collision avec le bus sur un passage à niveau, tuant quatre touristes français.

Pourquoi aller dans une île tropicale à l’autre bout du monde ? Ayant déjà voyagé jusque là-bas, Patrick Boulonne voulait montrer à sa femme les différences folkloriques entre ce pays des Caraïbes, qui partage la même île d’Hispaniola avec Haïti, et Maurice. Il voulait y séjourner pour une durée de 15 jours.

Dès le début, reconnaît Patrick Boulonne, le voyage a mal débuté. Le tour-opérateur français Nouvelles Frontières a renvoyé le départ de Paris de 48 heures, l’avion n’étant pas plein. Mauvaise fortune bon cœur, le couple a été forcé de poireauter dans la capitale française.

Après un vol de dix heures, bien qu’ils aient été les premiers à être descendus de l’avion, les conjoints ont dû parlementer avec les services d’immigration car Annabelle Apollon voyageait avec son passeport mauricien. Le couple a donc été le dernier à monter dans le bus où 25 touristes avaient déjà pris place.

Le chauffeur, Emiliano Constanzo, a démarré sur les chapeaux de roue pour un périple de trois heures. « On se disait tous que le bus roulait beaucoup trop vite. On était assis juste derrière le chauffeur car c’était les seules places de libre. Il faisait du 90 km/h alors qu’il ne devait pas dépasser les 70 km/h et doublait dans des virages sans voir ce qui venait en sens inverse », relate Patrick Boulonne.

« Il était 19 heures passées, heures locales. On était à une demi-heure de l’hôtel quand la femme assise à côté de nous a voulu demander au chauffeur de s’arrêter afin de permettre à son mari de vomir car il se sentait vraiment très mal. Malheureusement, elle n’a pas eu le temps. Elle y a laissé la vie » souffle-t-il.

Arrivé à un passage à niveau, bien que les feux fussent au rouge, le chauffeur a appuyé sur l’accélérateur. « J’ai vu le train arriver. J’ai hurlé. Je me suis dit, ça y est. Le train va nous rentrer dedans, on est foutu », se souvient ce Français originaire de Versailles.

Dans un bruit infernal, ce train qui transporte de la canne à sucre sur ce trajet une fois par jour, a embouti leur bus au niveau de la roue arrière. Sous le choc, le véhicule s’est retourné pour se retrouver de nouveau contre le train. Avant d’effectuer quatre tonneaux et d’atterrir au fond d’un ravin. Soit dans une mare à cochons.

« Les gens criaient. J’avais mal partout. Ma femme avait une blessure ouverte au niveau du tibia, l’orteil brisé et des hématomes sur tout le corps », relate Patrick Boulonne. C’était la panique. Des réfugiés d’Haïti vivant dans les bois environnants sont venus sur les lieux pour voler tout ce qui pouvait leur tomber sous la main.

« Nous avons perdu nos six valises. Dedans il y avait tous nos vêtements, tous nos effets personnels. On s’est retrouvé dans la même ambulance et on nous a mis dans une clinique où on a dû partager le même lit trois jours durant », poursuit ce docteur en psychologie. Le tour-opérateur français les a cherchés pendant deux jours avant de pouvoir leur mettre la main dessus.

Deux hommes et une femme sont morts sur le coup. Une autre femme est décédée le lendemain de l’accident malgré les soins qui lui ont été prodigués dans un hôpital local. L’ambassade de France en République Dominicaine a dû dépêcher des médecins français auprès des blessés pour s’assurer qu’ils reçoivent les soins nécessaires.

« Proposition nous a été faite de rentrer immédiatement. Pour tout vous dire, on n’était pas en état. On était en fauteuil roulant et on avait des minerves et des plâtres. On a quand même voulu se rendre à l’hôtel car tout ce voyage nous avait pris plus de 24 heures... », explique Patrick Boulonne.

« A l’hôtel, ce n’était pas la joie. Nous sommes restés deux jours et avons dû demander qu’on nous donne des vêtements. On avait toujours ceux qu’on portait au moment de l’accident. Quand nous avons quitté l’hôtel, ils nous ont même demandé de régler la note de nos appels vers Maurice au coût de 500 euros ainsi que nos frais d’hospitalisation qui s’élevaient à 3 000 euros », dit-il.

« Nous avons refusé de payer, l’accident n’étant pas de notre faute. Nous avons rencontré un avocat sur place grâce au consulat de France. On va intenter un procès à Nouvelles Frontières, au chauffeur du bus et à la compagnie de chemin de fer car il n’y avait aucune barrière au passage à niveau », déclare Patrick Boulonne.

Heureusement, lâche-t-il, il a su convaincre sa femme de ne pas emmener leur fille de 5 ans dans ce voyage. « Dès que je ferme les yeux, je vois venir ce train. Et j’entends la musique qui s’arrête soudain. Je fais le même cauchemar tous les soirs », se lamente Annabelle. Son regret : le ministère mauricien des Affaires étrangères ne lui a pas passé un seul appel depuis son retour dans l’île il y a peu, pour prendre de ses nouvelles.

Vel Moonien, Lexpress.mu - 24 juin 2012


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