Amiante : une juge dénonce le manque de moyens

Marie-Odile Bertella-Geffroy, juge d’instruction au pôle santé au parquet de Paris, s’insurge contre le manque de moyens et de volonté politique pour aboutir à un procès de l’amiante, qui se fait attendre depuis plus de 10 ans.

L’amiante pourrait, selon les experts, causer la mort de cent mille personnes d’ici à 2025, ce qui en ferait le plus grand scandale sanitaire d’après-guerre. Pourtant, les premières plaintes contre l’amiante, datant de 1996, n’ont toujours pas abouti à un procès. La cinquantaine de procédures lancées contre des entreprises ou institutions s’enlisent. Marie-Odile Bertella-Geffroy, la juge d’instruction en charge du dossier de l’amiante, est excédée par ces lenteurs. Dernier dossier qui risque d’être vidé de sa substance, celui de l’hôpital Saint-Louis à Paris, où des membres du personnel ont contracté des cancers du poumon liés à l’amiante. Les dirigeants de l’hôpital ont demandé l’annulation de leur mise en examen à la cour d’appel de Paris, qui doit statuer en septembre.

La magistrate dénonce, dans une interview au P arisien , le manque de moyens et soupçonne le parquet de ne pas vouloir d’un procès de l’amiante. « Si on me donne (..) deux magistrats qui s’intéressent aux dossiers de santé, deux enquêteurs judiciaires ayant déjà travaillé dans ces dossiers, deux assistants de justice et un médecin », le procès de l’amiante pourra se tenir dans un an, explique la juge d’instruction, qui en appelle ainsi à la nouvelle ministre de la Justice, Christiane Taubira.

« On ne veut pas que ces affaires sortent »
La magistrate met l’accent sur « l’isolement du juge », « son manque total de moyens propres » et « sa dépendance vis-à-vis du ministère de l’Intérieur décidant du nombre des enquêteurs de police judiciaire, policiers ou gendarmes affectés à tel ou tel dossier ». « L’amiante n’est manifestement pas pour lui une de ses priorités », poursuit-elle, fustigeant également « l’indifférence, voire l’opposition du parquet français, à l’instruction de tels dossiers de santé publique ». Un parquet qui « est dépendant directement du ministère de la Justice ».

Ce n’est pas la première fois que la juge Bertella-Geffroy dénonce le fonctionnement de la justice. Dans un entretien aux Inrock s en avril dernier, la magistrate expliquait que la chancellerie lui mettait des bâtons dans les roues : « Dans le dossier de l’amiante, j’ai deux documents écrits d’un officier de gendarmerie disant que mes commissions rogatoires (les demandes de recherches de preuves - NDLR) sont trop complexes et trop longues, qu’elles prendront six ans. C’est le signe qu’on ne veut pas que ces affaires sortent. »

Ce mercredi, la magistrate doit rencontrer les avocats des victimes pour faire le point sur le dossier alors que la Cour de cassation a donné tort la semaine dernière à la cour d’appel de Paris qui avait annulé six mises en examen de la société Eternit, une des principales entreprises qui a exploité et importé de l’amiante en France.

Le Figaro.fr - 04 juillet 2012


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