Explosion au site pétrochimique TOTAL à Carling

Il allait être 15 heures, hier, lorsqu’une un énorme déflagration s’est fait entendre sur la plate-forme chimique de Carling Saint-Avold et jusque dans les rues de communes riveraines comme L’Hôpital en Moselle. Une épaisse fumée orange est montée du vapocraqueur numéro 1, le centre névralgique de l’usine. Très vite, un plan d’opération de secours interne a été déclenché et toute la caserne des pompiers appelée en renfort.

Le bilan, quelques minutes après l’accident, était déjà très lourd : deux morts et six blessés dont trois personnes gravement brûlées par le souffle. D’autres personnes ont été ensevelies sous des décombres au pied du vapocraqueur. Pour l’une d’elle, il a fallu plusieurs minutes pour la repérer mais, après avoir été extraite d’une montagne de débris, elle ne souffrirait finalement que d’une fracture à l’épaule. Le ballet des ambulances et des véhicules de pompiers a duré jusqu’à 17 heures autour de la plateforme où il était interdit de pénétrer pour des raisons évidentes de sécurité. Le site Carling Saint-Avold est classé Seveso 2 seuil haut.

L’explosion a eu lieu au niveau d’un surchauffeur, longue cheminée chargée de surchauffer la vapeur qui elle-même sert ensuite à alimenter les fours du vapocraqueur. Le vapocraqueur n°1 était en phase de redémarrage au moment de l’ accident. Il avait été mis en veille quelques jours plus tôt, suite à un incident électrique dû à l’orage. Selon la sous-préfecture de Forbach il n’y avait pas de risque de surexplosion et de pollution toxique.

« Les installations ont été mises en sécurité. Toutes les personnes travaillant sur la zone autour du vapocraqueur ont été évacuées. Mais nos préoccupations vont surtout vers les victimes. Nous avons mis en place une cellule de soutien psychologique en faveur du personnel qui a été très choqué par ce drame. Nous tenons à exprimer notre soutien et notre solidarité à l’ensemble des victimes et à leurs proches », témoigne Evelyne Briois, directrice des ressources humaines du site. Sept des victimes sont issues des rangs de Total Petrochemicals. La dernière, un blessé, est salariée d’une entreprise extérieure sous-traitante.

A l’écart du brouhaha ambiant, l’heure est déjà au bilan. Quatre heures après le drame et « le grand boum qu’on a entendu », l’infirmier n’en revient toujours pas. Il était l’un des premiers sur le lieu de l’accident à extraire les blessés ensevelis sous les gravats. « On ne savait pas combien ils étaient », souffle-t-il. Sa blouse tâchée de sang séché témoigne de la gravité des blessures. A côté de lui, un employé du site, les yeux rougis, peine à trouver ses mots. Inlassablement, leurs regards se tournent vers cette tour qui a vacillé. L’incompréhension domine. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?

« Il y a eu l’explosion, on a accouru », se rappelle l’ouvrier. En poste dans les environs du vapocraqueur 1, il a senti le souffle de l’explosion. « On a vu la vapeur retomber », se rémémore-t-il. Comme ses collègues, il est venu prêter main forte aux premiers secours. « Il y a eu un grand nuage de poussière qui s’est répandu sur quelques dizaines de mètres. Ensuite, il y a eu des cris. » Au milieu des gravats de briques réfractaires et de plaques d’aciers qui ont volé dans le souffle, une tête dépasse, sans vie. Un autre a été projeté à plusieurs mètres de là. Ils sont morts. « C’est dur. En plus, c’était des jeunes de 20 et 28 ans », livre l’infirmier du poste de la médecine du travail qui opère sur la plateforme de Carling. Ils étaient neuf à travailler au rallumage du surchauffeur. « C’est une opération délicate car il faut être plusieurs à manœuvrer en même temps. Mais c’est un acte qui est réalisé régulièrement », raconte Jean-Luc Zins, ingénieur d’exploitation. Cette deuxième équipe était venue prendre son poste à 14 h, une heure à peine avant l’accident. Outre les deux ouvriers décédés, quatre autres victimes ont été grièvement brûlées. « Elles ont surtout été touchées au visage et aux bras », indique l’infirmier. « Je n’ai jamais connu un tel drame », lance l’homme posté à côté de l’infirmier. A quelques pas d’eux, des pompiers de Total Petrochemicals nettoient les premiers brancards qui ont servi à évacuer les victimes.

Un incident électrique lundi sur le vapocraqueur.

(Avec agence). Le vapocraqueur de Total Petrochemicals à Carling (Moselle) avait connu "un incident électrique" dû aux orages lundi, deux jours avant l’explosion qui a fait 2 morts et 6 blessés mercredi, a dit jeudi Jean-Marc Jaubert, directeur de la sécurité du groupe Total.

"Il y avait eu un incident électrique l’avant-veille, puisqu’il y avait eu de graves perturbations climatiques, des orages sur le site de Carling", a-t-il expliqué sur RTL.

Total avait déjà indiqué que les orages avaient entraîné l’arrêt de l’installation lundi.

"Nous étions hier (mercredi, ndlr) en phase de redémarrage", a expliqué M. Jaubert. "On ne redémarre jamais ces installations automatiquement, on le fait partie par partie", a-t-il précisé, tout en excluant qu’un redémarrage trop rapide des installations soit la cause de l’incident.

Il s’agissait d’une "phase de démarrage unité par unité, pour remettre tout en service progressivement, vérifier que ça fonctionne bien, et passer à l’unité suivante", a-t-il détaillé.

Total va "mettre en oeuvre tous (ses) moyens (...) pour collaborer étroitement avec la police judiciaire" pour trouver les causes de cette explosion et que "cela n’arrive bien sûr pas dans d’autres unités", a dit M. Jaubert.

Total possède "des surchauffeurs dans d’autres unités" et portera "une vigilance accrue à l’opération de ces unités" tant que les causes de cet accident n’auront pas été éclaircies.

Classée "Seveso", l’installation de Carling fabrique des produits de base tels que l’éthylène, le propylène, le méthane et le styrène ainsi que du polyéthylène et du polystyrène, deux plastiques de grande consommation, selon le site internet de l’entreprise.

Le vapocraquage est un procédé pétrochimique par lequel des hydrocarbures saturés sont cassés en molécules plus petites.

Ladepeche.fr / Hugues Chagneau


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes