La colère des proches des victimes de Mohamed Merah

Les familles se disent « scandalisées » après la diffusion des extraits des conversations entre l’assassin de leurs proches et les policiers. Une enquête pour violation du secret de l’instruction a été lancée.

Les familles des victimes de Mohamed Merah ont exprimé leur fureur dimanche soir, « scandalisées » d’avoir pris connaissance par TF1 d’extraits des conversations entre l’assassin de leurs proches et les policiers lors du siège des 21 et 22 mars. « Cette diffusion est scandaleuse, car elle donne la parole en dernier à Mohamed Merah, une parole mensongère et manipulatrice », a dit Me Patrick Klugman, qui représente les familles des trois enfants et du père de famille juifs assassinés le 19 mars à l’école Ozar Hatorah de Toulouse.

« Comment est-il possible qu’un média aussi important que TF1, ne serait-ce que par humanité, ne prévienne pas les familles, je trouve cela regrettable », a déclaré son confrère toulousain Me Simon Cohen. « Le testament de Merah, ce sont ses crimes, pas ses paroles, et nous ferons le nécessaire pour que cette diffusion ne se propage pas », a ajouté Me Klugman. Les familles vont saisir en urgence la justice pour interdire sur le Net la diffusion de ces bandes enregistrées durant les 32 heures du siège du « tueur au scooter ».

« Je viens de voir sur Internet que TF1 est en possession de 4h30 d’enregistrements ! Vous vous rendez compte un peu, alors que mes avocates, on leur a refusé cette possibilité, on leur a dit de faire une demande par écrit et elles les auront sous huit jours », s’est indigné sur RTL Albert Chennouf, père d’un des trois parachutistes tombés sous les balles de Mohamed Merah. « Il y en a assez ! Il faut qu’on respecte un peu les victimes et leurs parents ! Je pense la prochaine étape, c’est les images de la tuerie », s’est-il indigné. « À ce rythme, ce sont les vidéos des tueries qui se retrouveront sur la Toile et l’atteinte sera alors irrémédiable », s’est indignée son avocate Me Samia Maktouf.

Le CSA déconseille la rediffusion des images

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a indiqué dimanche soir avoir déconseillé aux chaînes de rediffuser les extraits des dialogues de la police avec Mohamed Merah que TF1 a diffusés dans l’après-midi. Selon la porte-parole du CSA, le président de l’organisme, Michel Boyon, et Rachid Arab, membre du comité de déontologie du CSA, « ont contacté les dirigeants des chaînes (de radio et de télévision, NDLR) pour les appeler à la responsabilité et leur déconseiller de rediffuser les extraits en question ». RMC a indiqué sur son compte Twitter avoir diffusé lors de son journal de 8 heures lundi matin l’enregistrement des conversations du tueur avec la police.

Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls s’est offusqué de l’absence de précaution prise « pour respecter les familles des victimes », relevant qu’il convenait « donc de s’interroger sur les moyens par lesquels le diffuseur a pu se (les) procurer ». Une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices », a été diligentée pour tenter d’identifier la source de la fuite, tandis que le parquet de Paris a lancé une enquête préliminaire pour violation du secret de l’instruction. « C’est une immense surprise de voir ces enregistrements diffusés alors qu’ils ne sont pas accessibles aux victimes car placés sous scellés », a fait valoir Me Klugman.

« Quelque chose de très délibéré »

Nicole Yardeni, représentante du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), a estimé lundi matin sur Europe 1 que les enregistrements des conversations permettaient de constater « qu’il y avait quelque chose de très délibéré chez cet homme, quelque chose de très choisi, de très construit ». Pour elle, ces enregistrements « clarifient ce qu’on nous a souvent opposé : que c’était l’acte isolé d’un fou ».

Producteur de l’émission Sept à huit, Emmanuel Chain a assuré sur RTL que son équipe avait « beaucoup réfléchi » et « décidé de diffuser ce document qui a une forte valeur d’information ». « Nous l’avons fait en responsabilité, en pensant en permanence aussi à l’émotion que pourrait susciter sa diffusion auprès des familles de victimes et en décidant de ne pas diffuser tous les propos qui auraient pu heurter leur sensibilité », a assuré Emmanuel Chain. Contactée, TF1 n’avait pas réagi à la polémique suscitée par cette diffusion dimanche soir. Lundi matin, les images des négociations n’étaient pas publiées sur le site de l’émission Sept à huit , a constaté Le Figaro.

Le figaro.fr - 09 juillet 2012


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