Merah : la bande sonore était placée sous scellés

Les conditions d’accès à cette pièce étaient drastiques pour les acteurs judiciaires.

Qui a livré à TF1 l’enregistrement de Mohamed Merah, diffusé dimanche soir ? Deux enquêtes, judiciaire et administrative, sont ouvertes pour identifier la source de la chaîne. Toutes deux ont été confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices », comme si les premiers soupçons portaient sur des fonctionnaires non identifiés.

Il est vrai que les sources potentielles sont peu nombreuses. La bande sur laquelle sont conservés les échanges de Mohamed Merah, retranché en mars dernier dans son appartement toulousain, avec les hommes du Raid qui l’assiègent, est soumise à des conditions d’accès drastiques, de manière tout à fait exceptionnelle. Si une retranscription sur papier figure de longue date au dossier, le son originel, qui fait partie des pièces de la procédure, est soumis à un régime spécial. Des experts mandatés par les juges d’instruction ont achevé récemment leurs travaux sur cette bande. Et l’ont renvoyée aux magistrats du pôle antiterroriste parisien, qui œuvrent en co-saisine.

Ceux-ci, en milieu de semaine dernière, ont informé les avocats concernés qu’aucune copie ne serait délivrée, justement pour empêcher la divulgation de cette pièce - placée sous scellés et consultable uniquement au palais de justice de la capitale - auprès du grand public. Une décision qui a fait l’unanimité, tant l’émotion suscitée par les tueries de Mohamed Merah reste vive. La fuite a donc sans doute eu lieu entre jeudi et dimanche, plus vraisemblablement avant le week-end. À noter que des copies ont circulé, pour les besoins de l’enquête, dans différents services de police, tels que la DCRI (renseignement intérieur) et la DCPJ (Direction centrale de la police judiciaire).

Les parties civiles se sont immédiatement indignées de la diffusion de larges extraits audio par TF1, à l’instar de Me Patrick Klugman, conseil des familles des quatre victimes de l’école juive Ozar Hatorah, à Toulouse : « La parole de Mohamed Merah n’est rien d’autre que de la propagande. Il commente ses crimes, en fait l’apologie, professe son théorème salafiste et ment pour protéger on ne sait qui », commente Me Klugman.

Le CSA choqué

Indignation, aussi, d’avoir été mises devant le fait accompli : « TF1 aurait pu prendre la peine de nous prévenir et de présenter le document autrement, avec, par exemple, un grand témoin sur le plateau pour équilibrer l’émission », tempête Me Simon Cohen, l’un des pénalistes les plus renommés de Toulouse.

La direction de la chaîne met en avant le droit et la liberté d’informer (lire l’encadré), soutenue en cela par la Société des journalistes. Mais le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) s’est dit « choqué », et la famille de l’une des victimes de Mohamed Merah entend faire diligenter des poursuites à l’égard de la chaîne, notamment pour « recel de violation du secret de l’instruction ». Une procédure dont l’issue, de l’avis de plusieurs juristes, serait des plus aléatoires : « Ça se termine toujours en quenouille », soupire l’un d’eux, fataliste. « La liberté d’informer n’est pas en cause mais elle n’exonère pas de la réflexion sur l’opportunité de diffuser ce document audio, à ce moment, de cette manière », a déclaré de son côté le sénateur Assouline lors du point presse hebdomadaire du PS. Qui avait intérêt à rendre public le dialogue entre l’assassin de Toulouse et ceux qui allaient le tuer en tentant de l’interpeller ? L’avocate algérienne du père de Mohamed Merah croit pouvoir dénoncer « une pièce de théâtre pour orienter l’opinion publique » alors qu’elle est censée produire, le 12 juillet, des preuves supposées de l’« assassinat » programmé du tueur antisémite, sous la forme de mystérieuses vidéos que personne d’autre qu’elle, jusqu’à présent, ne semble avoir visionnées.

Stéphane Durand-Souffland, Le Figaro.fr - 09 juillet 2012


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