Nouvelle expertise sur AZF : "C’est sans grande importance"

Selon un article publié mercredi 29 août dans "Sud Ouest" et les révélations de la revue "Préventique sécurité" spécialisée dans le droit du danger et le management du risque, une fuite de carburant de fusée Ergol survenue sur le site voisin d’AZF, celui de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), pourrait être à l’origine de l’explosion de l’usine chimique toulousaine lors de laquelle 31 personnes sont décédées en septembre 2001.

L’avocate des familles, Stella Bisseuil, est sceptique : "Ce n’est pas un fait nouveau. Un fait nouveau, c’est un fait sérieux", et l’actuel PDG de Total Christophe de Magnerie est prudent : "Nous n’avons aucune preuve, donc (...) soyons prudents."

Alors que la cour d’appel de Toulouse doit rendre son arrêt le 24 septembre, "Le Nouvel Observateur" a questionné le président d’une association de victimes, "Familles Endeuillées", Gérard Ratier. Il a perdu son fils lors de l’explosion.

Comment accueillez-vous ces éléments ?

- Je ne suis pas surpris du tout. Cette expertise est pour moi secondaire, superflue, et sans grande importance. Je m’attends à ce qu’il y en ait d’autres du même type d’ici le jugement. C’est dans la stratégie de Total, nous l’avons constaté à longueur d’années. Nous devons en être à présent à plus d’une centaine d’hypothèses, plus ou moins fantaisistes, et de tous bords. Nous les avons souvent dénoncées, mais ça n’a pas empêché qu’elles continuent de surgir. Je pense que même si la justice prononce une condamnation de Grande Paroisse (groupe Total), cela ne cessera pas. Mais le problème c’est que parmi toutes ces hypothèses, après vérification, aucune n’a été étayée.

Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que Total soit nécessairement derrière ces éléments ?

- Parce que je travaille depuis dix ans sur ce dossier extrêmement complexe et que je connais sa défense. Ça l’arrange bien que cette revue soutienne cette expertise. La défense du groupe a pris la précaution de structurer tout ce qui peut, à l’extérieur, soutenir ses intérêts : sociétés, particuliers, entreprises chimiques,... Une infinité de gens les aident à faire passer le message. C’est une énorme machine. Je n’imaginais pas, d’ailleurs, au début, qu’une multinationale puisse être si puissante. Son objectif est de faire douter l’opinion. S’ils y parviennent, ils ont gagné.

"La Dépêche" note que le groupe Préventique éditant la revue fait aussi du conseil en management du risque et indique qu’on peut lire, sur son site : "Approché récemment par les sociétés du groupe Total exploitant le complexe de Lacq, le groupe Préventique va désormais s’engager dans le projet de développement d’une importante activité de formation sur ce site." Qu’en pensez-vous ?

- Je n’en sais pas plus, mais ça ne m’étonnerait pas non plus que ce groupe soit lié d’une façon ou d’une autre à Total.

Que pensez-vous de l’hypothèse en elle-même ?

- Je n’ai pas encore lu l’expertise en intégralité, mais j’ai lu la presse, et je comprends qu’il y aurait eu une fuite au niveau du carburant de fusées, et qu’ensuite, comme toujours, on nous laisse le choix de la suite. Un attentat ? Mais alors par qui et comment ? Ou alors le fait que cette fuite ait provoqué l’explosion de deux bombes situées sous le hangar 221. Des suppositions, mais pas d’arguments.

Avez-vous pu vous entretenir avec d’autres membres de votre association ?

- Mon téléphone sonne beaucoup depuis ce matin. Ils sont outrés, et tendus du fait de la proximité du jugement. J’essaie de les rassurer. Mais ils sont perturbés et c’est normal. C’est difficile à supporter, dans la mesure où la vérité est clairement établie : c’est un accident chimique qui provient d’un apport, dans le hangar 221, d’une benne contenant du chlore, un produit incompatible avec le nitrate d’ammonium. Mais la justice a des difficultés à faire condamner, car des éléments palpables ont disparu. Au vu du dossier, il y a véritablement matière à faire condamner Grande Paroisse.

Dans quel état d’esprit êtes-vous à un mois du jugement ?

- Je m’attends à tout. Je suis préparé à tout. Je me confronte à la justice depuis dix ans. Sa position sur cette affaire n’a pas toujours été claire, parfois ambigüe. Je garde espoir mais je ne suis pas serein et suis loin de l’être. La justice avait matière, à une époque, de mettre en difficulté Total, elle ne l’a pas fait. On aurait pu montrer que la Commission d’Enquête Interne menée par Total a entravé l’enquête judiciaire. Mais on ne va pas refaire toute l’histoire. J’espère juste que la justice va condamner Total, même de façon minime. L’essentiel est de montrer qu’il s’agit bien d’un accident chimique, en vue de lever le doute. Certains croient à un attentat. Une condamnation n’empêchera pas certains de camper sur leurs positions, mais ils seront peut-être un peu moins nombreux.

Céline Rastello - Nouvelsobs.com - 29 août 2012


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes