Il y a quarante ans, la tragédie de Munich

L’anniversaire des JO marqués par la mort de onze Israéliens est l’occasion d’un mea culpa des autorités.

L’Allemagne commémore ce mercredi, sur fond de polémique, le quarantième anniversaire de la prise d’otages des Jeux olympiques de Munich en 1972. Ce fut l’une des premières épreuves de la jeune République fédé­rale… inscrite dans l’histoire comme son plus retentissant fiasco politico-policier. Onze athlètes israéliens furent tués par un commando palestinien dans la ville symbole où les puissances occidentales plièrent face à Hitler en 1938.

Ni l’Allemagne ni l’État hébreu n’ont oublié le « massacre de Munich ». Dans la nuit du 5 septembre 1972, huit membres de l’organisation palestinienne Septembre noir pénètrent dans l’appartement occupé par la délégation israélienne au village olympique. Le commando tue deux athlètes israéliens et prend neuf otages, espérant pouvoir s’envoler avec eux pour Le Caire et les échanger contre 232 prisonniers palestiniens.

L’opération de sauvetage organisée par les services de sécurité allemands sur la base militaire de Fürstenfeldbruck, à 25 km de Munich, se solde par un bain de sang. Les neuf derniers otages sont tués ainsi qu’un policier ouest-allemand et cinq des huit preneurs d’otages. Les trois autres militants de Septembre noir sont capturés.

Documents déclassifiés
Une cérémonie en hommage aux victimes se tiendra, ce mercredi, sur le lieu même de l’épilogue tragique de la prise d’otages. La région de Bavière a prévu la mise en berne des drapeaux des bâtiments publics. Et les visages des 11 victimes seront exposés pour la première fois dans l’ancienne tour de contrôle de l’aérodrome. Outre la présence de 500 représentants du monde politique et sportif, dont le ministre allemand de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, le consulat d’Israël à Munich a annoncé la venue de sept survivants du drame et d’une dizaine de proches des victimes. Le maire du village des JO de 1972, le speaker du stade et d’anciens sportifs médaillés sont attendus.

En juillet, deux veuves de sportifs, ­Ankie Spitzer et Ilana Romano, s’étaient battues en vain pour honorer la mémoire des athlètes tués à la cérémonie d’ouverture des JO de Londres. « Je vous assure que l’Allemagne n’a pas oublié, leur avait alors dit le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. L’Allemagne regarde en arrière avec douleur. Nous ne pouvons ramener les morts, mais notre devoir est d’honorer leur mémoire. »

Israël a relancé la polémique sur ce fiasco en publiant des documents déclassifiés à la veille des commémorations. Les archives ne sont pas tendres à l’égard des autorités allemandes : pas de tireurs d’élite, blindés arrivés en retard pour sauver les otages, policiers sans torches électriques pour suivre les mouvements du commando dans la nuit…

L’hebdomadaire Der Spiegel avait réamorcé la controverse en juillet en accusant l’État allemand d’avoir maquillé l’échec de l’opération. Plusieurs mois avant la prise d’otages, le ministère de l’Intérieur et la police criminelle de Bavière auraient mis en garde, en vain, les autorités fédérales sur la possibilité d’actes terroristes aux JO de Munich. Le village olympique était entouré d’un simple grillage, sans mesures renforcées. Le chef de la police de Munich craignait qu’une forte présence policière ravive le spectre des Jeux olympiques de Berlin en 1936 organisés par le régime nazi, affirme le Spiegel. Et le président du Comité olympique allemand, Willi Daume, aurait rétorqué au chef de la sécurité qu’il n’était pas question de transformer le site olympique en « camp de concentration ».

Contacts secrets avec l’OLP
Par la suite, le gouvernement fédéral se serait volontairement abstenu de poursuivre les cerveaux et commanditaires de l’attentat et se serait refusé à traduire les responsables devant la jus­tice allemande, afin d’éviter de nouveaux attentats sur son sol ou contre les intérêts germaniques. Tandis que le chancelier Willy Brandt assurait Israël qu’il « ne plierait pas face au terrorisme », ses services de renseignements établissaient des contacts secrets avec l’OLP. En janvier 1973, le chef de l’OLP, Yasser Arafat, en quête de reconnaissance internationale, annonçait avoir « accédé officiellement » à la demande allemande de ne plus cibler les intérêts de la République fédérale.

En 1975, Abdallah Frangi, dont les liens avec le commando de Septembre noir avaient été établis, fut autorisé à ouvrir à Bonn, la capitale fédérale, la première représentation des intérêts palestiniens. En 1977, l’Allemagne refusa de faire une demande d’extradition d’Abou Daoud, le coordinateur des attentats arrêté par les services français. Et quelques mois plus tard, l’un des collaborateurs de Helmut Schmidt à la chancellerie rencontra Ali Salameh, l’un des cerveaux de la prise d’otages de Munich.

Patrick Saint-Paul, Lefigaro.fr - 05 septembre 2012


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