Explosion de l’usine AZF : un an de prison ferme pour le directeur du site

La Cour d’appel de Toulouse a déclaré, lundi 24 septembre, l’exploitant de l’usine AZF Grande Paroisse (groupe Total), et son ex-directeur Serge Biechlin coupables d’homicides involontaires "par négligence ou imprudence" dans l’affaire de l’explosion de l’usine AZF, un arrêt aussitôt suivi par l’annonce d’un pourvoi en cassation qui devrait être déposé dans l’après-midi par la défense des condamnés.
La Cour a suivi l’accusation, attribuant la catastrophe qui a fait trente et un morts et deux mille cinq cents blessés le 21 septembre 2001 à un accident chimique dû au mélange de deux produits incompatibles.

Serge Biechlin a été condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis, et à 45 000 euros d’amende, et la compagnie Grande Paroisse à 225 000 euros d’amende, tandis que la compagnie pétrolière Total – propriétaire de Grande Paroisse – et son ancien PDG Thierry Desmarest ont été mis hors de cause. Les juges d’instruction avaient déjà écarté à plusieurs reprises les demandes de mises en examen les visant. M. Biechlin devrait effectuer la partie ferme de sa peine sous le régime de la semi-liberté.

Dès la fin de la lecture du délibéré, l’avocat de la défense, Me Daniel Soulez Larivière, a qualifié la décision de la cour d’appel de "plus passionnelle que rationnelle" et a ajouté que "c’est une affaire qui ne fait que commencer".

RELAXE EN PREMIÈRE INSTANCE

En première instance, le tribunal avait été sévère pour l’organisation de la sécurité dans l’usine, mais il relaxait les prévenus, faute d’avoir la preuve matérielle qu’un produit chloré (DCCNa) avait été malencontreusement apporté sur le tas de nitrate d’ammonium, piste retenue par les experts judiciaires.

Cette fois, la cour n’a pas affiché les mêmes scrupules judiciaires. Elle a écarté toutes les autres pistes criminelles ou accidentelles et a suivi les experts judiciaires.

Elle est même allée au-delà des réquisitions de l’avocat général dans le cas de Serge Biechlin, contre lequel étaient requis dix-huit mois avec sursis et 15 000 euros d’amende.

"UN RISQUE QU’IL NE POUVAIT PAS IGNORER"

Selon les motivations lues par le président de la cour d’appel, Bernard Brunet, devant des centaines de parties civiles et d’auditeurs, M. "Biechlin a contribué à créer la situation qui a provoqué le dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter : ces fautes ont exposé les salariés et la population à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait pas ignorer".

Les associations de victimes de la catastrophe AZF se sont réjouies que la justice ait, onze ans après, désigné des coupables dans cet accident industriel, le plus grave en France depuis 1945.

Jean-François Grelier, président des Sinistrés du 21-Septembre, s’est dit "satisfait de voir que ce qu’on défend depuis onze ans est enfin reconnu et affiché comme la vérité. Notre combat n’a pas été vain".

"LE VÉRITABLE RESPONSABLE, C’EST TOTAL"

Gérard Ratier, président de l’Association de familles endeuillées a salué "une grande victoire (...), mais pas à la hauteur de nos espérances. L’Association de familles endeuillées a déposé une plainte pour entrave à la justice et il est bien dommage que cette plainte n’ait pas été suivie... parce qu’on pouvait voir là la volonté du groupe Total de (...) troubler la manifestation de la vérité".

"Si la manifestation de la vérité a été aussi longue, a-t-il ajouté, c’est parce que Total s’est épuisé à camoufler la vérité. Cela, c’est une défaite parce que le véritable responsable, c’est le groupe Total, ce n’est pas M. Biechlin."

Quant au maire socialiste de Toulouse, Pierre Cohen, il s’est dit "satisfait, parce qu’une cause de la catastrophe est bien mise en évidence par rapport à tout ce qui a pu sortir de farfelu. Cette fois-ci, par rapport au premier jugement, il y a un véritable coupable. La culpabilité de Grande Paroisse me semble [mettre] un terme à onze années de souffrance et de malaise et [j’espère] que sans jamais oublier, on puisse reprendre espoir".

La CGT a salué lundi le "verdict historique" de la justice : "Nous nous félicitons du caractère exemplaire des condamnations", explique la confédération de la CGT dans un communiqué signé aussi de la Fédération CGT des industries chimiques et de l’Union départementale de Haute-Garonne.

Selon la CGT, "ce procès doit servir à remettre en cause la déréglementation du travail" et "cette décision de justice doit réussir à créer une nouvelle politique efficace de sécurité au travail".

REUTERS et AFP - 24 septembre 2012


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