L’accident d’irradiation d’Epinal : pour une case à cocher...

Le drame des centaines de patients surriradiés au centre de radiothérapie d’Epinal, "c’est une histoire de case à cocher qui n’a pas été cochée", a résumé mardi un des deux experts venus livrer au tribunal le récit accablant du cumul de négligences ayant mené à cette erreur.

Octobre 2006 : la presse révèle un accident de radiothérapie majeur survenu à l’hôpital Jean Monnet d’Epinal. Un médecin de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et un ingénieur de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) sont chargés d’une enquête. Vingt-trois cas de malades surriradiés sont alors dénombrés.

Février 2007 : le rapport conclut au "plus important accident" impliquant les rayons ionisants jamais survenu en France.

Septembre 2012 : le tribunal correctionnel de Paris qui juge ce drame de santé publique plonge, dès la seconde journée d’audience, dans le compte-rendu sévère de ce rapport originel. Après six années d’instruction, il n’est plus question de 23 victimes mais de presque 450 irradiés, à des degrés divers, entre 2001 et 2006 à l’hôpital d’Epinal. Au moins sept sont décédés.

"C’est une histoire de case à cocher qui n’a pas été cochée". De façon lapidaire, l’ancien expert de l’ASN, Guillaume Wack, résume l’un des noeuds de l’accident : en mai 2004, le protocole de radiothérapie de l’établissement est modifié au profit d’une technologie qui permet de diminuer les rayons sur les organes proches de la prostate.

Sans "ceinture ni bretelles"

Ce changement suppose d’adapter le paramétrage assurant le calcul d’intensité d’irradiation. Cette modification ne sera pas faite pour certains patients traités entre mai 2004 et août 2005.

Sans guide d’utilisation écrit du nouveau logiciel, la formation a été assurée oralement par le radiophysicien de l’établissement Joshua Anah auprès de deux manipulateurs qui ont eux-mêmes formé les autres manipulateurs en radiothérapie. "Il y a eu un savoir qui n’est pas passé", commente M. Wack.

Cette erreur de paramétrage aurait pu être repérée grâce au double mécanisme de sécurité qui fonctionnait avec l’ancien logiciel et permettait de vérifier les doses de radiation. Mais ces "lignes de défense" n’étaient plus opérantes avec la nouvelle technologie et le radiophysicien a donc choisi de les supprimer plutôt que d’en élaborer de nouvelles, regrette M. Wack, aux comparaisons imagées : "on a enlevé la ceinture et les bretelles".

"Ces logiciels de sécurité étaient développés sur mon temps personnel, je ne pouvais pas y passer mes nuits", s’est défendu Joshua Anah, l’un des sept prévenus de ce procès.

Un argument de la défense se dessine : mettre en cause le manque de moyens humains, attestés par des notes admnistratives, de l’établissement.

Comme les deux anciens radiothérapeutes de l’hôpital, Michel Aubertel et Jean-François Sztermer, M. Anah comparaît pour homicides et blessures involontaires ainsi que non assistance à personne en danger.

Cette dernière infraction vise l’information tardive des patients quant à la gravité de l’accident : sur ce point, le Dr Françoise Lalande, deuxième auteur du rapport, a des propos très critiques : "prise de conscience lente du caractère collectif du problème", "minimisation", "désinformation" voire "déni", dossiers médicaux des patients "anormalement maigres".

C’est en août 2005 que les radiothérapeutes réaliseront qu’un accident est arrivé. Une seule réunion durant toute l’année qui suivra, aura lieu en octobre 2005 entre les médecins, la directrice de l’hôpital, les responsables de la Ddass et de l’agence régionale d’hospitalisation (ARH) -également poursuivis-.

Certaines victimes apprendront l’accident par la presse. Mme Lalande se souvient : "j’ai dû insister pour qu’on dise aux familles les véritables causes des décès".

AFP - 25 septembre 2012


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