Surirradiés d’Epinal : un radiothérapeute dénonce l’"absence absolue de suivi" des patients

Les patients victimes de surirradiations à l’hôpital d’Epinal (Vosges) entre 2001 et 2006 n’ont bénéficié d’aucun suivi pendant leur radiothérapie, a déploré mardi un radiothérapeute devant le tribunal correctionnel de Paris. Il a précisé que douze patients avaient succombé à ces surdoses.

Le tribunal juge depuis le 24 septembre, et jusqu’au 31 octobre, un radiophysicien et deux radiothérapeutes, notamment pour "homicides et blessures involontaires". L’hôpital en tant que personne morale, l’ancienne directrice de l’établissement, ainsi que les ex-responsables de la DDASS et de l’Agence régionale de l’hospitalisation sont également poursuivis, pour "non-assistance à personne en danger".

Deux causes techniques de surirradiations ont été identifiées dans le cadre de cette affaire : un changement de protocole en 2004 dans le traitement du cancer de la prostate, avec 24 patients ayant reçu une surdose de 20%. Par ailleurs, les contrôles radiologiques n’ont pas été pris en compte entre 2001 et 2006 dans le calcul de la dose totale reçue par les patients. Cette surdose de 8 à 10% a concerné 424 victimes.

Jean-Marc Simon, radiothérapeute au centre hospitalier de la Pitié-Salpétrière, a expliqué au tribunal que dix patients avaient succombé à leurs blessures dans le premier cas. Il a également mentionné le cas d’un patient qui a mis fin à ses jours. Deux patients sont décédés des suites de la seconde cause de surirradiations.

Le radiophysicien et les deux radiothérapeutes sont poursuivis pour sept décès, a rappelé un avocat de la défense. "Juridiquement, vous avez raison. Médicalement, le Dr Simon a raison", a répliqué Me Gérard Welzer, l’avocat des parties civiles.

Le Dr Simon avait été appelé en mars 2007 pour assurer le suivi des patients du service de radiothérapie d’Epinal après la découverte du premier accident. Mais avec la découverte de la deuxième cause de surirradiations, il a été contraint de recenser l’ensemble des patients susceptibles d’avoir été victimes.

A la barre, il a déploré l’’’absence absolue de suivi" à l’hôpital d’Epinal pendant la phase de radiothérapie, mais également après le traitement, alors qu’il est "tout à fait indispensable de surveiller les patients". "Cette absence de suivi n’était pas une omission. C’était vraiment une habitude".

Les dossiers des patients "contenaient un historique clinique", "un examen clinique qui était souvent d’ailleurs très léger" et un "compte-rendu qui tenait sur une ligne" et précisait la dose délivrée, a rapporté Jean-Marc Simon.

Le radiothérapeute a évoqué d’autres causes de surirradiations, soulignant que 5.000 personnes pourraient en avoir été victimes de 1987 à 2000. "Quand on reprend la frise historique de ce service, il n’y a que trois mois, entre juillet 2000 et octobre 2000", au cours desquels "il y a des traitements qui sont faits sans surirradiations", a poursuivi le Dr Simon, rapidement arrêté par le président du tribunal qui ne souhaitait pas que des dossiers actuellement à l’instruction à Paris soient évoqués.

Il y a eu des "surirradiations permanentes, à différents niveaux selon les cas", et "cela explique pourquoi on n’a pas été alerté de voir arriver (...) des complications", a-t-il noté. "Si on avait analysé sérieusement ce qui s’est passé les années précédentes, on aurait évité" des victimes.

Le Dr Simon a également regretté l’absence d’information des médecins traitants qui ont "été maintenus dans l’ignorance des complications de la radiothérapie". Les symptômes des patients ont été "minimisés" et considérés comme le "prix à payer pour être guéris de leur cancer de la prostate".

Or, "si les patients avaient été informés à temps", ils "auraient pu bénéficier d’une prise en charge" organisée, a ajouté le médecin. Des mesures auraient pu être prises pour éviter l’apparition de complications graves, voire mortelles.

Le Nouvel Observateur - 2 octobre 2012


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