Surirradiés d’Epinal : des peines de prison ferme requises

Des peines de prison ferme ont été requises mardi à l’encontre de deux radiothérapeutes et d’un radiophysicien de l’hôpital d’Epinal (Vosges), jugés pour deux accidents de surirradiations qui ont touché près de 450 patients entre 2001 et 2006. Il s’agit de la plus grande catastrophe recensée en France en matière de radiothérapie.

"Le seul mérite de ce drame, mais à quel prix, a été de réveiller les consciences en matière de radiothérapie", a souligné la procureure Dominique Pérard. Mais ce n’est "pas une fatalité, ni un aléa thérapeutique qui est à l’origine du drame. Si les règles élémentaires de prudence avaient été respectées, (...) cette catastrophe n’aurait pas eu cette ampleur".

Le parquet a demandé quatre ans de prison, dont 18 mois fermes, contre les deux radiothérapeutes, Michel Aubertel et Jean-François Sztermer. Il a retenu la qualification d’"omission de porter secours", laissant le tribunal statuer sur une éventuelle condamnation pour "homicides et blessures involontaires". Trois ans de prison, dont un ferme, ont été requis contre le radiophysicien, Joshua Anah.

Le ministère public a également demandé 30.000 euros d’amende et une interdiction d’exercer leur métier à l’encontre des trois prévenus.

Près de 450 victimes

Au total, près de 450 patients ont été soumis à des surdoses de rayons lors du traitement de leur cancer de la prostate. Au moins sept en sont morts, selon les juges d’instruction. Le parquet préfère retenir le chiffre de douze morts, évoqué pendant les débats par un radiothérapeute du centre hospitalier de la Pitié-Salpétrière, Jean-Marc Simon.

Deux causes de surirradiations ont été identifiées : un changement de protocole en 2004, avec 24 patients ayant reçu une surdose de 20%. Par ailleurs, les contrôles radiologiques destinées à vérifier le bon positionnement des malades avant chaque séance de rayons n’ont pas été comptabilisés, entre 2001 et 2006, dans le calcul de la dose totale reçue par les patients. Conséquence, une surdose de 8 à 10% pour 424 victimes.

A l’encontre de Joshua Anah, Dominique Pérard a dénoncé une "accumulation d’erreurs graves". "Quel était l’enjeu ? Votre amour-propre ? Votre gloriole ? Ou le bien-être des patients", lui a-t-elle lancé, déplorant qu’il n’ait pas pris "la peine de faire un simple calcul".

Quant aux radiothérapeutes, "on peut leur reprocher des carences ou des manquements", mais "à leur décharge", le changement de protocole s’est fait dans "l’improvisation totale" de M. Anah en 2004, a-t-elle renchéri. "Ils ont ignoré jusqu’à la découverte des faits" que le radiophysicien avait supprimé des lignes de défense qui auraient permis d’alerter sur l’existence de surdoses.

Des symptômes "minimisés"

En revanche, les médecins ont prescrit des doses inhabituellement élevées. Et même si ces choix "n’étaient pas totalement aberrants, ni irréfléchis (...) au vu des buts qu’ils s’étaient fixés", la magistrate a considéré que leur "responsabilité pénale" était "dans le silence" et la "dissimulation". "Au lieu de révéler les erreurs, (...) c’est leur peau qu’ils ont voulu sauver".

L’autre représentante du parquet, Marie-Odile Dejust, a rappelé que les symptômes des patients avaient été "minimisés", "considérés comme le prix à payer pour guérir" leur cancer. Or, des mesures auraient pu être prises rapidement pour "éviter l’apparition de complications graves voire mortelles".

Douze mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende ont par ailleurs été requis à l’encontre d’une ancienne responsable de la DDASS des Vosges et d’un ex-directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH), jugés pour "omission de porter secours". Une relaxe a été demandée pour l’ancienne directrice de l’hôpital et l’établissement lui-même, poursuivi en tant que personne morale. Le parquet a estimé que Dominique Cappelli avait été "réactive" face à l’accident.

Les prévenus encourent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

Le Nouvel Observateur - 23 octobre 2012


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