Léa & Orane : "Le temps ne nous fera pas renoncer !"

Samedi 27 septembre aux Penne-Mirabeau dans les Bouches du Rhône a été dévoilée une plaque en mémoire de Léa et Orane, deux adolescentes décédées en 2009 alors qu’elles faisaient parties d’un voyage organisé à la découverte de l’Ouest américain.

La monitrice qui était également la conductrice du bus s’est endormi alors que le groupe traversait la Death Valley dans des conditions éprouvantes.

Les victimes rescapées, les parents et proches de Léa et Orane ont créé une association, "Les amis de Léa et Orane" qui est membre de la FENVAC. L’association a reçu l’agrément du Ministère de la Justice, gage de son sérieux et de sa représentativité.

Plus d’infos : le site de l’association

L’association et les parents de Léa et Orane sont aujourd’hui engagés dans un combat non seulement pour la vérité, mais également pour que toutes les conséquences de cet accident soient tirées en terme de sécurité lors de ces voyages organisées pour les adolescents.

La FENVAC est engagée pleinement à leur côté car il n’est pas question que soient occultés les manquements, négligences et imprudences caractérisées dans l’organisation et le déroulement de cet accident. Cet accident n’est pas un simple accident de la route. Il résulte clairement pour nous d"un système trop permissif, trop peu contraignant en termes de sécurité alors même que ce qui est en cause c’est la vie de milliers de jeunes partant chaque année dans ces conditions, via des organismes que nous considérons insuffisamment préoccupés et engagés par la sécurité.

Avant de reproduire ci dessous les mots prononcés par Nathalie, la maman de Léa et par Thierry, président de l’association, nous partageons avec vous le message adressé par Marie-Georges BUFFET, députée et ancien ministre des sports. Consciente des failles révélées par ce tragique accident, Mme BUFFET a déposé une proposition de loi (accéder à la proposition de loi)


Message de Marie-Georges Buffet

En rendant hommage à Léa et Orane, je veux dire avec vous : plus jamais ça !
Léa et Orane ont été les victimes d’une logique mercantile. Des agences organisant des séjours pour les jeunes à l’étranger mettent en danger la vie de ces jeunes, mais aussi de leurs accompagnateurs, en cherchant à réduire au maximum le cout de ces séjours. On ne peut accepter que ce danger perdure. C’est ce que votre association dit avec force. La République doit vous entendre et protéger ses enfants. C’est pourquoi, à partir de votre démarche, j’ai élaboré une proposition de loi pour que cessent ces pratiques intolérables.

Avec vous, je veux qu’elle devienne force de loi.


Discours de Nathalie Baldaccini, la maman de Léa

Aujourd’hui est une journée chargée d’émotion pour nous. Nous parents de Léa et Orane souhaitons remercier Monsieur Le Maire et tout le conseil municipal des Pennes Mirabeau pour ce geste plein d’attention et pour le choix de cet emplacement chargé de souvenirs.

C’est ici, que le 23 avril 2010 alors que Léa aurait du avoir 18 ans, j’ai décidé d‘entamer une grève de la faim, ici, près d’elle entourée de ma famille et mes amis. Un acte désespéré dont je ne connaissais pas l’issu mais qui m’a semblé être le seul recours pour mettre en lumière l’infamie qui entoure la mort des deux enfants.

Je n’ai jamais regretté ma décision. Il était évident que le drame à lui seul n’engendrerait aucune prise de conscience. Alors que fallait-il faire ? Se contenter de lire silencieusement un rapport de police accablant sur les conditions de transport des enfants ? Fallait-il fermer les yeux sur les témoignages des jeunes rescapés qui dénonçaient un voyage scandaleux où la recherche flagrante du profit, a pris le pas sur toutes notions de sécurité ?

C’est d’ici que nous avons pu clamer la mise en danger de nos enfants, c’est d’ici que nous avons pu nous faire entendre et être enfin épaulés.

Le lieu ne pouvait pas être mieux choisi pour planter cet arbre chargé de symboles.

Cette plaque permettra à ceux qui connaissent notre histoire de ne pas l’oublier et peut être pour ceux qui ne la connaissent pas de s’interroger, de se demander qui étaient Léa et Orane, pourquoi leurs deux prénoms sont unis à jamais ?

Je souhaite désormais m’exprimer au nom des familles.

Nous sommes des parents blessés, des parents en colère mais pour autant tout à fait aptes à décrypter les failles d’un système pervers qui a conduit à la mort.

L’accident qui a coûté la vie de Léa et d’Orane, a mis en lumière des agissements extrêmement graves. Il est le révélateur de dérives engendrées par l’absence d’un cadre réglementaire rigoureux, il met en exergue un vide juridique abyssal.

Car la mort de Léa et Orane ne doit rien à la fatalité.

Nous avons acheté ce séjour pour nos enfants en toute confiance mais surtout en toute ignorance des failles que présente la réglementation en vigueur. Nous étions persuadés que les colonies de vacances étaient soumises à des contrôles draconiens de l’Etat. Nous étions persuadés que les critères de sécurité étaient stricts, incontournables et sans concession. Nous pensions que l’intérêt de l’enfant était une priorité dans un secteur d’activités encore préservé.

Ce que nous avons découvert nous a stupéfiés, l’envers du décor est hallucinant. La réglementation française est laxiste, les contrôles nettement insuffisants. Le voyage qui a coûté la vie de nos enfants illustre parfaitement tout ce que l’on peut faire en toute impunité.

Le 22 août 2009, Léa, 17 ans, et Orane, 16 ans, décèdent dans un accident de la circulation, c’est du moins ainsi qu’on nous le présente. En fait, l’animatrice du séjour, qui faisait également office de conductrice, s’est endormie au volant de son véhicule à 10 h 00 du matin. Il n’y a pas eu intervention d’un tiers, la route était droite et la météo au beau fixe. Les animateurs n’avaient pas pu dormir, car la veille le groupe avait établi son campement sur le bord d’une route vers 2 heures du matin. L’organisme de vacances n’avait pas effectué de réservations pour l’hébergement, c’était aux animateurs de se débrouiller sur place… Cette dernière nuit à dormir à même le sol, l’absence de repos durant 10 jours consécutifs, ont conduit à un drame qui finalement était prévisible. Le rapport de la police américaine fait parfaitement état de la fatigue de l’équipe d’animation et du manque d’expérience des conducteurs.

Pourquoi ce séjour est-il un scandale ?

L’organisme a exploité une main d’œuvre corvéable à merci qui n’est soumise à aucune règle élémentaire du Code du travail. Ce sont des contrats précaires qui génèrent de gros profits pour les sociétés et les pseudo-associations mais aboutissent à des abus flagrants. Des abus que nous dénonçons parce qu’ils conduisent au drame.

Lors du séjour meurtrier, les animateurs au nombre de 3, faisaient tous offices de conducteurs, donc 3 animateurs pour 3 véhicules. Ils conduisaient des véhicules de 12 places classés dans les poids lourds sans aucune expérience faute d’avoir le permis requis en France. Pas de chauffeur supplémentaire pour prendre le relai en cas de fatigue, personne pour pallier à un éventuel problème ou tout simplement pour assurer un minimum de sécurité. Pas de moyen de communication pour signaler le drame...

Pour une rémunération de 1 euro de l’heure, les 3 animateurs devaient encadrer les 20 adolescents, s’occuper de la gestion du budget alloué, prendre en charge les réservations qui n’étaient pas faites par l’agence de voyages française. Aux animateurs également de dénicher, au meilleur prix, les activités annoncées dans la brochure ! Ils devaient bien évidement préparer les repas et bien sur assurer le transport de jour comme de nuit pour traverser la côté ouest des Etats-Unis.

Pourtant, le prix très élevé du séjour (2 638 €) nous permettait de croire que nos enfants auraient droit à un minimum de confort et surtout à un maximum de sécurité… mais nous avons découvert que la clientèle adolescente représente une manne inestimable : les adolescents sont malléables, crédules et n’ont pas une conscience réelle du danger. Ce que nos enfants ont pris pour de l’aventure était le désir déguisé d’un organisme sans scrupule de faire toujours plus de profit sur leur compte. Dormir à la belle étoile peut paraitre romantique pour les uns et très rentable pour les autres !

Malgré les évidences que nous clamons depuis maintenant 3 ans, l’organisme responsable du drame a toujours pignon sur rue. Il continue à profiter d’un vide juridique que nos politiques mettent bien du temps à combler !

La sécurité de nos enfants pèse peu face à des enjeux financiers énormes. Nous avons rencontré une ministre qui pourtant convaincue du bien fondé de notre démarche a fini par céder à la pression d’un lobbying offensif des organismes de séjours pour mineurs.

Aujourd’hui, il est de votre devoir d’insister voire harceler pour colmater toutes les brèches dans lesquelles s’engouffrent les opportunismes d’un système bancal et défaillant.

Aujourd’hui nous sommes réunis pour découvrir une plaque dédiée à deux adolescentes qui ne demandaient qu’à vivre. Léa et Orane ne sont pas de simples victimes d’un accident de la circulation, elles ont été les victimes innocentes d’un organisme de voyages aux agissements pervers, qui ont atteint leur paroxysme le 22 août 2009.

Pour Léa et Orane, des sanctions exemplaires doivent être prononcées nous demandons à la justice de faire son devoir.

Pour Manuéla ma fille cadette, pour tous nos enfants qui souhaitent découvrir le monde, nos parlementaires doivent se mettre au travail et honorer leurs promesses.

Soyez sans illusion, le temps ne nous fera pas renoncer, nous ne nous épuiserons pas.


Discours de Thierry Dologent, président de l’association "Les amis de Léa et Orane"

Je me souviens de ce 23 août 2009, de la nouvelle qui est tombée sur notre commune. Je ne connaissais Léa que de vue, mais le choc fut violent. J’ai vu le désespoir chez mes amis et voisins et puis j’ai vu naitre la colère, une colère bien légitime…

Nous ne savions que faire… mais nous ne pouvions rester sourds.

De ce drame est née l’Association les Amis de Léa et Orane dont j’ai l’honneur d’être le Président.

A l’origine il s’agissait d’un petit comité de soutien fondé suite au drame afin d’épauler les familles des jeunes victimes dans cette douloureuse épreuve, l’ampleur de la tâche et les aberrations découvertes ont conduit à la création de l’association « Les amis de Léa et Orane » en février 2010.

Il est apparu comme une évidence aux familles et aux membres de ce comité que nombre de démarches devaient être entreprises pour dénoncer les véritables raisons de cette tragédie, et tout mettre en œuvre pour que cela ne se reproduise plus jamais !

Léa et Orane sont décédées suite à de graves manquements à la sécurité tout au long de leur séjour. Leur rêve américain leur a coûté la vie car l’organisme de séjour se joue de toute sécurité élémentaire au profit de sa rentabilité. Ce séjour de la honte n’a pour autant toujours pas servi d’exemple. L’organisme concerné et d’autres continuent en toute impunité à exercer dans les mêmes conditions, mettant toujours plus d’enfants en danger.

L’état français a été plus qu’alerté, nous avons frappé à beaucoup de portes, nous avons connu de belles réussites et parfois quelques déceptions mais nous n’avons jamais baissé les bras et ne les baisserons jamais. Notre combat est légitime. Nous ne pouvons pas nous taire sur les tristes pratiques de certains organismes de vacances pour mineurs qui profitent des failles de la réglementation française. Nous ne pouvons que constater que notre réglementation est bien plus stricte en matière de transport de marchandises que pour le transport de nos enfants dès lors qu’ils sont en colonie de vacances.

Grâce a notre détermination et au soutien de nos adhérents, l’association qui compte aujourd’hui plus de 400 membres continue et continuera à mener ce combat tant que les chères colonies de vacances ne seront pas mieux sécurisées pour nos enfants. Le Ministère de la Justice a reconnu son utilité, le 21 mai 2012, en lui octroyant l’agrément prévu à l’article 2-15 du code de procédure pénale aux fins d’exercer les droits reconnus à la partie civile.
L’association s’est donc immédiatement portée partie civile dans la procédure en cours et s’est saisie d’un avocat.
Cela engendre bien évidemment des frais de représentation en justice très conséquents et nous multiplions les événements pour y faire face.

Nous remercions vivement la municipalité des Pennes pour cette plaque, cet arbre et cette cérémonie en hommage à Léa et Orane, devant ce cimetière où repose Léa.
Orane quant à elle est inhumée dans un cimetière de Lioux, au pied d’une colline provençale. L’association s’y rend chaque année en juin pour lui rendre hommage.

Nous sommes convaincus de l’utilité et la nécessité de notre combat. L’été 2012 fut particulièrement meurtrier et nous incite à continuer notre combat pour que la sécurité de nos enfants soit garantie.

Notre démarche n’a pas de couleur politique et nous refusons d’en avoir. Nous sollicitons tous ceux qui sont convaincus par notre discours. Mme la députée Marie-George Buffet a déposé une PPL à l’Assemblée Nationale et M. le sénateur Bruno Gilles au Sénat.
Merci à eux et nous comptons sur le soutien de tous nos parlementaires.


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