Fessenheim : le médiateur face à « l’autisme du nucléaire »

INTERVIEW - Chargé par le gouvernement de préparer la fermeture de la centrale nucléaire, Francis Rol-Tanguy déplore que les syndicats et le maire de Fessenheim refusent de lui parler. Quant à EDF, elle espère encore sauver la centrale.

Francis Rol-Tanguy a été chargé par le gouvernement de préparer la fermeture de la centrale de Fessenheim, prévue d’ici à2016. Un dossier sensible, et symbolique dans le cadre du débat sur la transition énergétique.

LE FIGARO. - Depuis le début de votre mission, quelles sont les résistances auxquelles vous vous heurtez ? Ni EDF ni la CGT n’ont caché leur opposition au projet du gouvernement…

Francis ROL-TANGUY. -EDF n’est pas résigné à la fermeture de Fessenheim. Depuis le début de ma mission, j’ai des échanges ­réguliers avec l’entreprise même si, d’une manière générale, il y a un certain « autisme » du milieu nucléaire. La France ayant jusque-là fait le choix massif de l’atome, on constate chez certains une difficulté à penser autrement. S’agissant des syndicats, le contact n’a pas encore été établi puisqu’ils n’ont pas voulu me rencontrer. Les élus n’ont pas ces mêmes réticences, à l’exception de la maire de Fessenheim et du président de la communauté de communes. À plusieurs niveaux, le dialogue se met en place.

Les industriels insistent sur la compétitivité prodiguée par une électricité nucléaire bon marché. Est-il vraiment nécessaire de fermer une centrale en France ?

Il faudra bien arriver un jour à la fermeture des centrales. Or, 80 % du parc a été construit sur dix ans. Si l’on n’étale pas la fermeture sur vingt ou trente ans, au lieu de ­fermer sur dix ans, le coût du remplacement de la capacité sera phénoménal, on ne pourra pas le faire. Pour étaler les fermetures, il faut commencer sans tarder, et sans prolonger toutes les centrales ­jusqu’à 60 ans, comme le souhaite EDF.

Quel sera l’impact de la fermeture de Fessenheim sur l’emploi ?

L’accompagnement social de la fermeture de la centrale est un dossier prioritaire. Elle emploie actuellement quelque 750 personnes. EDF possède à la fois les voies et les moyens pour procéder efficacement à des reclassements. Il faut voir par ailleurs qu’au moins une centaine de salariés seront affectés durablement aux opérations de démantèlement. Aux équipes d’EDF viennent s’ajouter environ 250 personnes employées par les sous-traitants. Nous commençons à travailler pour voir dans quelle mesure le bassin d’emploi environnant peut offrir des solutions. J’ai la ferme conviction que le ­millier de salariés - en tout - concernés par cette fermeture ne sera pas mis en échec.

Allez-vous vous préoccuper de remplacer la capacité de production de la centrale de Fessenheim ?

La question d’un remplacement local n’est pas posée. À l’échelle nationale, la fermeture de Fessenheim devrait être concomitante, si j’en crois EDF, avec la mise en ­service de l’EPR de Flamanville, qui aura presque la même capacité. Par ailleurs, la France n’est pas en sous-capacité et le parc nucléaire est loin de tourner à pleine capacité. Avec ses engagements européens - la France doit améliorer son efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020 -, je vois mal un rebond de la demande d’électricité. En 2012, la production d’électricité nucléaire a même baissé, de 3,8 % sur un an selon RTE. L’exportation de courant est la seule raison d’être d’un parc nucléaire d’une telle taille. Finalement, en fermant Fessenheim, je rends service à EDF !

Compte tenu des délais administratifs, allez-vous réussir à faire fermer la centrale d’ici fin 2016, comme s’y est engagé François Hollande ? Quel est votre calendrier ?

Le gouvernement doit déposer à l’automne la loi sur la transition énergétique qui comportera des dispositions sur la fermeture de Fessenheim. Le gouvernement prévoit que la loi sera définitivement votée à la fin du printemps 2014. Henri Proglio (le PDG d’EDF, NDLR) a dit qu’il se conformerait à la loi. La procédure de décret de mise à l’arrêt définitif pourra alors démarrer. EDF devra d’abord déposer un dossier. Le dossier doit ensuite être examiné par l’Autorité de sûreté nucléaire, puis une étude d’impact réalisée, soumise à enquête publique. Il faut compter quatre ans à partir de maintenant, mais j’ai bon espoir que le décret de mise à l’arrêt définitif soit pris avant la présidentielle.

Qu’est-ce qui empêcherait une éventuelle nouvelle majorité, en 2017, de redémarrer la centrale ?

Si le décret de mise à l’arrêt est bien pris avant l’élection présidentielle, même si la centrale était en état technique de redémarrer, une nouvelle majorité favorable au redémarrage devrait refaire le chemin inverse. C’est-à-dire lancer une procédure de création d’une installation nucléaire, soit quatre ou cinq ans. Mais on ne peut pas se permettre des à-coups permanents pour une centrale.

le figaro.com, le 25 Mars 2013


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