Deux mois après le crash, les Comoriens veulent savoir

Deux mois après la catastrophe aérienne, la communauté comorienne reste sous le choc et attend des réponses.

Déjà deux mois. Fin juin, un Airbus A310 affrété par la compagnie Yemenia Airways s’écrasait au large des côtes comoriennes en faisant 152 victimes, dont 61 ayant embarqué à Marseille. Un drame qui pose toujours des questions…

Connait-on les causes du crash ? Pas encore. Mais les investigations semblent, enfin, prendre une tournure décisive. Dimanche dernier, la commission d’enquête annonçait l’identification d’éléments de l’épave de l’Airbus A310 et le repêchage des corps de six victimes. Dans la foulée, après la localisation des boîtes noires à 1 200 mètres de profondeur, des tentatives pour récupérer ces enregistreurs de données - dont seul le décryptage permettra de savoir ce qui s’est réellement passé - ont commencé sur la zone du crash. Menée par un bateau français équipé d’un robot télécommandé, l’opération pourrait aboutir rapidement. À ce jour, une seule certitude : l’état de l’avion affrété par la Yemenia, cette compagnie qui allait, selon plusieurs témoignages, jusqu’à vendre deux places pour un même siège, ne répondait pas aux normes européennes. Une suite de manquements graves aux règles de sécurité reste l’hypothèse privilégiée pour expliquer la catastrophe.

La colère est-elle retombée ? Non. Si pour la communauté comorienne de Marseille, l’heure est encore au deuil, la colère reste vive. Principale cible : Yemenia Airways. Une compagnie à la fois accusée d’avoir fait voler des avions poubelles, et dénoncée pour sa gestion "inhumaine", dixit Youssef, petit-fils d’une victime, de l’après catastrophe. "Yemenia n’a absolument pas été coopérative", enfonce Stéphane Salord, le Consul honoraire des Comores à Marseille. "Ils ont été jusqu’à refuser de verser une pré-indemnisation, comme promis, à ceux qui la demandaient.. Du coup, plusieurs familles ont d’ores et déjà assigné en référé la compagnie afin d’obtenir une avance sur indemnités. "Certains ont perdu un père ou un mari qui étaient les seules sources de revenus de la famille. Ils se retrouvent sans rien. C’est une douleur ajoutée à la douleur…", s’émeut Mohamed M’Sadie, responsable d’une association comorienne de Marseille. En tout cas, l’offensive judiciaire en cours aura poussé Yemenia à tenter une négociation directe. "Nous avons évidemment refusé, s’irrite l’avocat Yann Prevost, nous n’allons pas discuter le bout de gras avec eux. L’indemnisation se fera par la décision d’un juge. C’est une question de principe". Autres cibles désignées, les autorités françaises et comoriennes soupçonnées d’avoir freiné l’enquête pour "préserver leurs relations" avec Yemenia. Une entreprise dont le président a été jusqu’à menacer d’annuler la commande, pour 2 milliards de dollars, de dix Airbus, s’il ne recevait pas du constructeur européen un soutien médiatique et moral. Dans une tribune publiée dans Le Monde, Michel Pezet, un des avocats de l’Association des victimes, s’interrogeait sur les conséquences de "ces menaces commerciales brandies par la compagnie" tout en déplorant qu’à l’inverse "du silence des pouvoirs publics" dans cette affaire, Air France se soit montrée "extrêmement diligente dans la prise en charge des victimes du vol Rio-Paris" survenu quelques jours plus tôt. Une version démentie par Christine Robichon, l’ambassadrice française chargée des relations avec les familles des victimes, qui évoque "une bonne coopération" entre les pays concernés. Reste qu’à ce jour, aucun corps n’a encore été identifié. Ce qui rend le travail de deuil "impossible" selon Mohamed M’Sadie. D’autant plus que les certificats de décès, pièces administratives essentielles, ont tardé à être délivrés aux familles. Dont certaines, même, n’ont toujours rien reçu. Une lenteur qui a amplifié le sentiment d’abandon ressenti par la communauté.

Yemenia reviendra-t-elle ? Non… La mobilisation massive de la communauté comorienne, qui avait empêché un vol de Yemenia de décoller de Marignane quelques jours après le drame, semble avoir porté ses fruits. "Nous préférons ne pas avoir Yemenia ici plutôt que de susciter la colère d’une population qui compte et dont nous respectons l’indignation", a tranché la direction de l’aéroport.

Une autre compagnie va-t-elle arriver ? De bonne source, on avance que des négociations sont "avancées avec une société très sérieuse". Le contrat devrait être signé début septembre. Et les premiers vols directs pour Moroni, débuter vers fin octobre. Une bonne nouvelle relative pour la communauté comorienne de Marseille. Elle qui, à l’image de Stéphane Salord, continue d’en appeler à un "traité de coopération aérienne entre la France et les Comores" afin de garantir des liaisons sécurisées. Et qu’enfin, dixit Mohamed M’Saidie, "on puisse dire toute cette souffrance n’a pas été inutile"…

Source : La provence, le 28/08/09.


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