Raconter "des visions d’horreur" : la prise en charge psychologique des passagers du Paris-Limoges

Raconter "une expérience hors du commun" et "des visions d’horreur" : des psychiatres et psychologues ont entendu dès vendredi soir les passagers du train Paris-Limoges accidenté, une prise en charge rapide indispensable "à une meilleure restauration de leur état" psychique, selon le psychiatre Didier Cremniter, qui a coordonné l’urgence psychologique.

QUESTION : Comment s’est déroulée la prise en charge des passagers ?

REPONSE : "La cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) de l’Essonne a été transportée sur place avec le Samu et les pompiers, et des renforts se sont ensuite mis en place (venus de Paris et de Seine-et-Marne) sur le lieu de la catastrophe et dans les gares d’Austerlitz et de Lyon, où un certain nombre de rescapés ont été acheminés.

Le principe est de venir dès les premières heures après l’accident, au moment où les rescapés sont encore près des wagons. Les blessés graves, on ne s’en occupe pas dans l’immédiat, on a vu surtout les rescapés indemnes au niveau physique qui ont été choqués. On se dirige en général vers ceux qui semblent manifester du stress, on apprécie leur état, les manifestations psychiques et ils peuvent bénéficier d’un entretien."

Q : Quels étaient les besoins de ces victimes ?

R : "Elles étaient choquées et ont eu besoin de raconter une expérience hors du commun, des visions d’horreur. Dans ces premières heures, les personnes ont besoin d’exprimer ce qui vient de se passer. Certains passagers ont voulu regagner leur région et ne souhaitaient plus voyager en train, il y avait une sorte de frayeur, qui ne sera pas forcément durable. Des mesures ont été naturellement proposées en fonction de leurs vécus psychiques, cela participe à une meilleure restauration de leur état. Certaines personnes avaient antérieurement à l’accident une fragilité psychique, et étaient suivies par un psychiatre, ce n’est pas forcément plus grave, mais il fallait hier observer avec attention cette accumulation pour ces personnes déjà fragiles."

Q : Comment gérer l’après ?

R : "Nous espérons qu’ils n’auront pas trop besoin de suivi. Ce n’est pas une maladie chronique qui s’installe (avec l’accident, ndlr). Dans notre expérience, ce qui est vraiment important, c’est la prise en charge précoce qui est le garant d’une meilleure restauration sur le plan psychique. Car, même s’il y a un véritable traumatisme psychique, cela évolue vers l’atténuation et la +guérison+ en général, à partir du moment où ces personnes ont été prises en charge immédiatement et vivent dans un contexte où elles sont entourées. On n’est pas dans une guerre où l’on sait que la suite va être effroyable pour eux.

Le traumatisme psychique des sauveteurs qui ont travaillé très tard, qui au-delà de l’épuisement ont quand même vu des choses très dures, est possible. Ils peuvent avoir besoin d’être eux aussi entendus."

Propos recueillis par Anne-Sophie LABADIE - 13 juillet 2013


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