Concordia : le capitaine réclame un accord à l’amiable

Après son renvoi en raison d’une grève des avocats italiens le 9 juillet, le procès du commandant Francesco Schettino, responsable du naufrage du Concordia qui a fait 32 morts le 13 janvier 2012 près de l’île du Giglio (Toscane), s’est ouvert mercredi à Grosseto dans le théâtre de la ville. Seul sur le banc des accusés et sous le feu de 300 médias internationaux, il doit répondre d’homicides multiples par imprudence, d’abandon de navire et de dommages à l’environnement. À l’ouverture, sa défense a de nouveau réclamé un accord à l’amiable.

Le commandant Schettino avait déjà tenté la même demande en proposant de purger une peine de trois ans et quatre mois de prison, mais s’était vu opposer un refus, le parquet estimant qu’il avait joué un rôle central dans le drame. La compagnie Costa Croisières avait obtenu une peine négociée la condamnant en avril à une amende d’un million d’euros. Les cinq autres responsables (quatre officiers du Concordia et le responsable des situations de crise au sein de la compagnie Costa Croisières) ne comparaîtront pas. Pour éviter un procès, ils ont fait la demande d’une « peine négociée » au parquet de Grosseto, qui l’a déclarée recevable et qui rendra définitivement sa décision le 20 juillet.

Ces « arrangements » permis par la justice italienne scandalisent beaucoup de naufragés et de familles de victimes qui n’attendaient pas d’« enterrement de première classe pour les accusés » mais « du respect pour la mémoire des défunts en faisant jaillir des débats la vérité et les responsabilités », « ce qu’est censée faire la justice dans une démocratie », réagit Jean, un rescapé.

« Schettino n’est pas le seul en cause là-dedans, on était en droit d’attendre un jugement décent, qui pointe les différentes responsabilités et nous donne des réponses sur ce qui s’est vraiment passé, or ce procès est une grosse fumisterie, une histoire d’argent », se révolte Alain Litzler, le père de Mylène, cette jeune fille de 23 ans qui a péri avec son fiancé Mickaël, 25 ans.

« Nous avons peu d’illusions »

Les victimes françaises - sur les 4229 passagers, 462 étaient français dont 6 sont morts - ne cachent pas leur « amertume », se sentant « privées » ou « exclues » d’un procès qu’elles estiment « tronqué » et qu’elles « ne cautionnent pas ». « On n’a ni notre place ni notre mot à dire, déplore Anne Decré, la présidente du Collectif des naufragés français du Concordia. C’est une injustice ». Une demande a été faite pour que le collectif soit admis partie civile au procès italien mais « nous avons peu d’illusions », désespère Me Bertrand Courtois, avocat du collectif français, qui attend toujours une réponse de Grosseto. En effet, seules les associations existant avant le drame semblent pouvoir être admises, selon la loi italienne.

Déjà indemnisées ou en passe de l’être, les victimes françaises ne peuvent pas non plus individuellement se constituer parties civiles. La procédure italienne ne leur permet une présence qu’au titre de persona offesa, « un statut de fausse partie civile qui permet seulement d’être entendu pendant le procès ou d’exprimer un point de vue », explique Me Bertrand Courtois. L’avocat, qui regrette cette « mascarade générant beaucoup de frustration », dit « n’attendre pas grand-chose du procès ».

A priori, seuls les parents de Mylène seront persona offesa. « On a du mal à passer à autre chose, confie Alain Litzler, et puis c’est le seul moyen d’avoir quelques informations du procès, de rester vigilant sur d’éventuelles procédures à lancer ». Le couple va se rendre aux audiences, à Grosseto, « mais pas tout de suite, commente Alain Litzler. Nous attendons de voir comment les choses se présentent avant de nous déplacer ». Ils seront représentés par un avocat italien, Me Paolo Fralassi, dont les honoraires sont payés par Costa Croisières comme l’a « ficelé » Me Gilbert Collard, leur conseil français, dans un protocole avec la compagnie de bateaux.

Si les parents de Mylène n’attendent pas de grandes révélations, ils espèrent tout de même que de nouveaux éléments d’enquête et de témoignage les éclairent. « Peut-être que Schettino lui-même dira des choses qu’il n’a jamais dites, qui sait ? », se raccroche Alain Litzler.

Pour la majorité des victimes françaises qui n’avaient pas accepté les 11.000 euros forfaitaires proposés par Costa au lendemain du drame, la négociation des indemnisations vient d’être conclue. 169 dossiers ont été définitivement réglés sur les 230. « En un an et demi, c’est pas si mal », se satisfait Me Bertrand Courtois.
De son côté, Costa Croisières fait savoir que plus de 80% de l’ensemble des passagers « ont réglé par transaction leur situation ».

Le licenciement de Schettino contesté

L’autre procédure en cours, la validation du licenciement demandé par Costa Croisières à l’encontre de Francesco Schettino, a été repoussée par le juge du travail au 27 janvier 2014. Ce report est dû au fait que la Cour suprême n’a pas encore statué sur le recours engagé par l’avocat de Francesco Schettino, Rozario D’Orazio. Celui-ci conteste la loi Fornero qui date de 2011 et sur laquelle s’appuie Costa Croisières pour licencier son salarié. Dans la plainte déposée par Francesco Schettino au tribunal de Torre Annunziata (Naples) contre Costa Croisières pour licenciement abusif, le processus a lui aussi été suspendu, dans l’attente de la réponse de la Cour suprême.

Delphine de Mallevoüe, LeFigaro.fr - 17 juillet 2013


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