Brétigny-sur-Orge : l’hypothèse de l’acte de malveillance relancée

Alors que les trois enquêtes sont toujours en cours pour comprendre ce qui a pu provoquer le déraillement du train Paris-Limoges vendredi dernier à 17h14 à Bretigny-sur-Orge, causant la mort de six personnes, certains syndicats et associations d’usagers relancent la thèse de l’acte de malveillance. Ainsi Didier Le Reste de la CGT cheminots confie « n’exclure aucune hypothèse ». À la CFDT cheminots, on explique que ce type d’accident est extrêmement rarissime tout en assurant ne pas « chercher à faire de la polémique sur un malheur ». « De mémoire de cheminots, on n’a jamais vu des boulons se dévisser tout seuls, explique Didier Aubert. Et ce n’est pas parce qu’un train est passé au même endroit une demi-heure avant sans problème que les boulons n’étaient pas déjà dévissés à ce moment là ».

Il est en effet très improbable que trois des quatre boulons, qui tiennent attachée la pièce au rail, aient été dévissés en plein jour alors que l’endroit où a eu lieu l’accident se trouve à proximité d’un poste d’aiguillage. Cette infrastructure est en effet occupée par un cheminot chargé de surveiller les voies. « À la CFDT, nous n’excluons rien. On ne peut clairement pas écarter la piste de la malveillance. Il n’existe pas de cas où l’on retrouve les boulons défaits. Et trois boulons d’un coup, c’est quand même beaucoup », confie Didier Aubert.

À l’Unsa, la thèse de la malveillance paraît peu vraisemblable même si l’on reconnaît que « tous les boulons qui sautent au même moment, c’est un point inquiétant. Il faut vraiment que la vibration soit importante ». Marc Pelissier, secrétaire général de l’association des usagers des transports en Ile-de-France estime également « peu plausible » le sabotage qui se traduit généralement « par des vols de câbles ou des jets de pierre sur les voies ». « Mais c’est vrai que la pièce qui se déboulonne toute seule, ce n’est pas non plus très crédible », confie-t-il.

La SNCF est-elle passée à côté de cette anomalie lors de la vérification du 4 juillet ? Possible, pour certains. « Dans le cas contraire, on peut se poser la question de l’acte de malveillance », remarque un autre observateur. Reste qu’« il faut vraiment s’y connaître et avoir des outils ad hoc », pointe un cheminot.

À la Région Ile-de-France, la prudence est en tout cas de rigueur. On préfère se garder de tout commentaire avant les résultats de l’enquête, rappelant l’épisode du Concorde et les multiples rumeurs qui avaient entourés l’affaire. « Mais plus on attend, plus cela alimente effectivement les spéculations », fait-t-on remarquer.

Jouer la transparence

L’association des voyageurs usagers des chemins de fer (Avuc) estime par ailleurs « malhonnête d’établir un lien entre la vétusté du réseau ferroviaire et ce qui s’est passé ». Willy Colin, le porte-parole de l’Avuc pronostique déjà que les enquêtes en cours vont prendre du temps, « c’est un dossier qui risque de s’endormir, déplore-t-il. Ce déraillement s’est produit dans un contexte de problèmes de maintenance et de lignes malades. Or cette ligne est malade depuis 2011 ». Pour l’Avuc, la transparence mise en avant depuis vendredi soir par la SNCF doit être prise au mot : « Il faut que la SNCF et RFF rendent public l’état du matériel roulant ainsi que l’état des infrastructures. On ne peut pas continuer comme ça ! Jouons la transparence jusqu’au bout ».

Quoi qu’il en soit, lors d’un déplacement à Limoges mardi, le patron de la SNCF, Guillaume Pepy avait estimé que les causes de l’accident « peuvent être diverses et de toute nature » ajoutant que « toutes les hypothèses existent » et qu’aucune n’est « privilégiée ».

Pour l’heure, l’éclisse est toujours au centre de l’enquête. « Nous sommes quasiment certains, à 99%, que l’origine immédiate du déraillement c’est le renversement de cette agrafe qui a conduit au déraillement d’un des essieux du train » car « une des voitures porte la trace du heurt avec cette agrafe », a rappelé le patron de la SNCF. « La vraie question maintenant, c’est de comprendre comment cette pièce a pu se retrouver dans le cœur de l’aiguillage », explique Roger Dillenseger de l’UNSA Cheminots. D’après un expert ferroviaire qui tient à rester anonyme, si la probabilité qu’une éclisse saute et se coince au milieu de l’aiguillage n’est « pas impossible », elle reste quand même « très, très, très, faible ».

Le Figaro - 18 juillet 2013


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