Air France : turbulences entre pilotes et direction

Deux syndicats n’excluent pas une grève si leurs propositions sur la sécurité des vols ne sont pas prises en compte.

Depuis l’accident du vol AF 447, un malaise est perceptible chez les pilotes de la compagnie qui ne comprennent pas la communication de leur compagnie ainsi que la façon dont a été géré le remplacement des sondes Pitot incriminées dans l’accident du vol Rio-Paris.

Jusqu’à la semaine dernière, l’encadrement des pilotes, ceux que l’on appelle les cadres PNT (personnel naviguant technique), était resté discret sur le sujet et solidaire de sa direction. Mais depuis jeudi après-midi, la rupture semble consommée. Selon nos informations, une réunion exceptionnelle a eu lieu au siège de la compagnie entre les 50 plus hauts cadres PNT de la compagnie et Pierre-Henri Gourgeon, directeur général d’Air France-KLM ainsi que Gilbert Rovetto, directeur général adjoint Opérations aériennes, c’est-à-dire le responsable de la sécurité chez Air France. Cette réunion avait justement pour objet la sécurité des vols dans la compagnie et les leçons à tirer de la catastrophe du vol AF 447. De l’avis des personnes présentes, ce type de réunion est très rare chez Air France et dicté par les circonstances et les difficultés que traverse la compagnie.

Toujours selon nos informations, Pierre-Henri Gourgeon a annoncé l’organisation de petits déjeuners réguliers avec les pilotes pour prendre connaissance de leurs inquiétudes et demandes. Le patron d’Air France a également confirmé que l’ensemble des sondes Pitot des Airbus A320 allaient être remplacées.

« On ne demande pas la lune »

Pourtant, la déception était perceptible chez les cadres PNT présents à cette rencontre qui a duré tout l’après-midi. C’est la première fois que plusieurs d’entre eux renoncent à leur devoir de réserve pour se plaindre du fait que rien n’a été fait depuis la catastrophe du vol AF 447. « Nous n’avons pas été écoutés, explique un cadre présent à la réunion. Nos pilotes attendent des changements significatifs, notamment en termes de formation. » « Tous les cadres parlent aujourd’hui d’une même voix pour demander une réforme profonde de la sécurité des vols, explique un autre cadre présent jeudi. La direction a botté en touche. »

Mais les cadres PNT en demandaient davantage. Ils auraient notamment exigé un audit de la compagnie en termes de sécurité qui soit conduit par des cadres de KLM ou de Delta, deux compagnies alliées, et que ceux-ci puissent avoir accès à tous les niveaux d’information au sein d’Air France-KLM. « Nos pilotes font partie des meilleurs au monde et pourtant nous avons davantage d’accidents que nos concurrents », déplore un cadre PNT. » Contactée par Le Figaro, la direction d’Air France affirme de son côté « ne pas commenter les réunions internes », mais observe que « l’objet de cette rencontre était justement de tout mettre sur la table suite à l’accident du vol AF 447. La réunion n’a pas du tout été mouvementée ».

Le renforcement de la sécurité des vols chez Air France est un sujet récurrent au sein de la compagnie depuis juin et l’accident du vol AF 447. Le syndicat des pilotes d’Air France (Spaf) et Alter, autre organisation de pilotes, se sont habilement emparés du sujet. Ils demandent ainsi que soit mise en place « une cellule de veille permanente » qui puisse avoir accès aux air safety reports (ASR), les rapports écrits par les pilotes suite à des incidents. Selon eux, une telle cellule aurait pu être plus réactive lors des premiers incidents de sondes Pitot et inciter à leur remplacement sans attendre l’accident du vol AF 447.

« On ne demande pas la lune, mais la direction ne veut pas en entendre parler », explique Gérard Arnoux, président du Spaf. Le syndicat, qui a été reçu avec Alter sur le sujet le 2 octobre dernier, s’est vu opposer une fin de non-recevoir. Les deux organisations syndicales ont écrit lundi à Pierre-Henri Gourgeon pour l’alerter à nouveau sur le sujet. « C’est une dernière mise en demeure, explique Gérard Arnoux. Après, nous serons obligés de déposer un préavis de grève. » Pour l’instant, ni la date ni la durée d’un possible mouvement social n’ont été évoquées

Source : Le Figaro, le 19/10/09.


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