Des associations de victimes s’alarment des conséquences de la suppression du juge d’instruction

Les victimes et les magistrats au secours du juge d’instruction. Ils défileront côte à côte, samedi 10 octobre, à Paris. L’Union syndicale des magistrats (USM) et l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI), se joindront à l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), au Comité anti-amiante de Jussieu et à l’Association des accidentés de la vie (Fnath) pour protester contre la suppression du juge d’instruction voulue par Nicolas Sarkozy.

Entérinée par le comité Léger qui avait été chargé de réfléchir à la réforme de la procédure pénale, la disparition du magistrat instructeur aboutit à confier l’ensemble des enquêtes pénales au parquet - hiérarchiquement dépendant du pouvoir - et sous le contrôle d’un juge de l’enquête, indépendant.

Trouver côte à côte victimes et magistrats est inhabituel, le gouvernement affichant traditionnellement une attention toute particulière aux victimes. La lettre de mission du comité Léger, signée par Nicolas Sarkozy et François Fillon, demandait d’accorder "aux victimes toute leur place dans toutes les phases de la procédure". Une partie d’entre elles ne semble pas y trouver leur compte.

"Entachée de partialité"

Les cinq organisations qui organisent la manifestation dénoncent, dans la future réforme, en effet "une atteinte aux libertés individuelles et aux droits des victimes". "Qu’il s’agisse de dossiers politico-financiers ou de dossiers de santé publique, chacun peut facilement comprendre qu’une instruction menée par le parquet, hiérarchiquement dépendant du pouvoir exécutif, sera par la force des choses entachée de partialité. Comment le parquet pourra-t-il enquêter sereinement lorsque les pouvoirs publics ou des élus sont mis en cause ?", écrivent-elles dans un communiqué commun.

Les victimes de l’amiante dénoncent aussi le manque de moyens de la justice, comme en témoigne la lenteur de leur combat judiciaire dont l’instruction dure depuis treize ans. Ils ont été parfois confrontés à des procureurs plus que réticents. "Quand nous avons soulevé la faute inexcusable de l’employeur devant les tribunaux des affaires sociales, explique François Desriaux, ancien président de l’Andeva, nous avons vu arriver des "parquetiers", pour s’opposer à nos demandes alors qu’ils ne viennent jamais devant ces juridictions. Ils étaient effrayés par cette déferlante qui mettait en cause des acteurs économiques. J’ai du mal à imaginer le parquet lançant des perquisitions au ministère du travail, comme l’a fait le juge d’instruction en 2007."

D’autres associations ou organisations de défense s’inquiètent de cette évolution de la procédure pénale. "L’UFC-Que Choisir est partie civile dans une cinquantaine de procédures, explique le rédacteur en chef-adjoint du magazine, Arnaud de Blauwe. Nos avocats nous alertent, surtout en province, sur des petits dossiers peu spectaculaires mais qui concernent des acteurs économiques locaux, qui peuvent faire pression."

Le président de l’Association des parents d’enfants victimes (APEV), Alain Boulay craint aussi un déséquilibre de la procédure. "Le magistrat en charge de l’enquête doit être indépendant du pouvoir exécutif", affirme-t-il. Même l’association droitière Institut pour la justice, qui n’est pas hostile à la suppression du juge d’instruction, craint que la réforme "ne revienne sur la possibilité pour les victimes de contourner un classement sans suite, comme le permet la plainte avec constitution de partie civile".

Membre du comité Léger, le président de l’Association pour la protection contre les agressions et crimes sexuels (APACS), Jean-Pierre Escarfail, défend le projet : "Face à un juge d’instruction qui ne veut pas agir, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Demain, nous pourrons saisir le juge de l’enquête. Dans la nouvelle procédure, le rôle des associations va devenir essentiel."

Source : Le monde, le 09/10/09.


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