AF447 : "Le crash du Rio-Paris était évitable"

C’est une des conclusions d’un rapport d’enquête, remis cette semaine à la justice, réalisé par deux pilotes chevronnés. Ils mettent en cause une cascade de responsabilités.

Nouveaux éléments dans l’enquête judiciaire sur le crash du vol AF 447. Quatre mois après l’accident de l’A330 d’Air France qui a coûté la vie à 228 personnes, le Syndicat des pilotes d’Air France (Spaf), qui s’est porté partie civile, va remettre, dans les prochains jours, aux juges d’instruction parisiens Sylvie Zimmermann et Yann Daurelle un rapport complet. Ce document, auquel le JDD a eu accès en exclusivité, est le fruit de l’enquête menée par deux pilotes : Gérard Arnoux, commandant de bord sur A320 et président du Spaf, et Henri Marnet-Cornus, commandant de bord sur A330, à la retraite.

Leur rapport* remet en cause la thèse officielle du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA). Selon eux, c’est bien la défaillance des sondes Pitot de mesure de vitesse qui est à l’origine du crash. Ils dénoncent, documents à l’appui, une série de "négligences" sans lesquelles l’accident "aurait sans doute pu être évité". Et accusent, à des degrés divers, Airbus, Air France et les autorités – BEA, Direction générale de l’aviation civile (DGAC), Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) – de porter, chacun à leur niveau, une part de responsabilité dans la catastrophe.

Ces deux pilotes chevronnés n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils ont déjà enquêté chacun de leur côté sur une dizaine d’accidents (Spanair, Quiberon, Phuket, etc.). Ils se sont liés d’amitié en novembre 2008, lors d’un colloque organisé en Martinique par l’association des familles des victimes du crash de la West Caribbean (152 morts en 2005). Aujourd’hui, ils travaillent "pour la sécurité aérienne et la mémoire de leurs collègues disparus". "Le BEA refuse d’adopter les techniques d’analyse modernes, accuse Henri Marnet-Cornus. Il privilégie toujours ce qui se passe dans le cockpit au détriment des autres facteurs."

Des économies "au détriment de la sécurité"

Ancien pilote de chasse, Henri Marnet-Cornus, 60 ans, a fait carrière dans des petites compagnies pour finir commandant de bord chez Air Liberté. Fondateur de l’association Safety First, il est licencié en septembre 2002 pour avoir dénoncé de graves manquements à la sécurité au sein de la compagnie. Il écrit deux livres enquêtes avec le journaliste François Nénin** pour dénoncer "les compagnies qui économisent sur tout au détriment de la sécurité" et les défaillances des autorités chargées de les contrôler.

Gérard Arnoux, 58 ans, a démarré sa carrière comme pilote de brousse au Congo, passant treize ans en Afrique avant de rentrer chez Air Inter avant sa fusion avec Air France. Il s’engage dans l’enquête et le procès du crash du mont Sainte-Odile (87 morts dans un A320 d’Air Inter en 1992), dans lequel son syndicat s’était constitué partie civile. Au tribunal, il affronte son futur patron Pierre-Henri Gourgeon, à l’époque directeur général de l’aviation civile. Tous les prévenus ont été définitivement relaxés le mois dernier au terme de dix-sept ans de procédure. Mais Gérard Arnoux ne regrette rien. Il sera d’ailleurs demain à l’audience préliminaire du procès du crash du Concorde, où il est, là encore, partie civile.

Gérard Arnoux et Henri Marnet-Cornus s’arment de patience. L’affaire du vol AF 447 sera longue et difficile. La bataille d’experts ne fait que commencer.

Source : le Journal du Dimanche, le 03/10/09.


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