Lac-Mégantic : le transporteur canadien refuse de payer la décontamination

Plus de six semaines après la catastrophe ferroviaire qui a ravagé Lac-Mégantic, au sud-est du Canada et fait 47 victimes, la maire, Colette Roy-Laroche, s’inquiète de la contamination du site et de l’avenir économique régional. Le train sans conducteur a déraillé le 6 juillet, avec 72 wagons-citernes qui ont explosé ou déversé leur pétrole en plein centre-ville. "Le nettoyage est assez avancé, mais le pompage, après infiltration de pétrole dans les canalisations, durera des semaines." La zone "rouge", qui comptait 90 commerces et une centaine de foyers, ne pourra être reconstruite avant l’été prochain.

"Après le nettoyage, la compagnie Pomerleau doit maintenant déterminer l’étendue de la contamination", note Mme Roy-Laroche, estimant qu’il faudra au moins trois mois pour dépolluer là où ce sera possible. Le gouvernement québécois a déjà dépensé 17 millions de dollars canadiens (12,3 millions d’euros) pour aider Lac-Mégantic, alors qu’Ottawa a promis 60 millions, dont plus de la moitié pour la reconstruction et le développement économique de la région, durement touchée par la tragédie. "L’autre catastrophe qui nous guette, ajoute l’élue, serait que notre principale industrie – la transformation du bois – soit en difficulté, du fait de la coupure de notre seul lien ferroviaire."

Le train "fou" transportait 7,2 millions de litres de pétrole, dont 5,6 millions ont brûlé ou se sont déversés dans le lac Mégantic et la rivière Chaudière qui se jette, 185 km plus loin, dans le fleuve Saint-Laurent, près de Québec. Selon le ministère québécois du développement durable, les concentrations de contaminants ne sont "pas préoccupantes" pour l’eau potable, et il y aurait une "tendance à la baisse" pour les hydrocarbures. Le ministère estime qu’il n’y aura pas d’effet sur la vie aquatique, contrairement à ce qu’affirment des écologistes, qui assurent avoir détecté dans les eaux et sur les berges d’énormes concentrations de substances cancérigènes.

Marathon juridique

Une longue bataille juridique s’engage pour récupérer les millions de dollars que coûtera l’accident. Le gouvernement du Québec a mis en demeure six compagnies ferroviaires et pétrolières (américaines et canadiennes) de payer pour le nettoyage et la décontamination du site. Mais le canadien Pacifique, qui sous-traitait à Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA) – en redressement judiciaire depuis le 7 août – le transport de pétrole du Dakota du Nord (Etats-Unis) jusqu’au Nord-Est canadien, a indiqué vouloir faire appel.

La facture se chiffre en centaines de millions de dollars, alors que MMA n’avait qu’une assurance responsabilité civile de 25 millions de dollars. Les victimes ou leurs familles ont engagé des poursuites individuelles aux Etats-Unis contre Rail World, société mère de MMA, cible aussi d’un recours collectif (class action) au Québec.

L’accident a relancé le débat sur la réglementation du transport des matières dangereuses au Canada. En hausse de 25 % depuis 2009, le fret ferroviaire fait la part belle aux produits pétroliers, en plein boom avec le pétrole de schiste américain et les sables bitumineux canadiens. L’accident de Lac-Mégantic donne aussi un argument aux promoteurs d’oléoducs, avides de faire sortir vers les Etats-Unis et l’est du Canada le précieux or noir.

Anne Pélouas, Lemonde.fr - 20 août 2013


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