Explosion d’Azf : le groupe Total attaque la loi pour son dernier combat

La défense de Grande Paroisse et Serge Biechlin va défendre demain devant la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité. Jugé responsable en appel de l’explosion de l’usine Azf le 21 septembre 2001, Total joue ses dernières cartes en défense.

Le dernier combat. Il s’engage pour la défense de Total, le groupe qui coiffe Grande Paroisse et son directeur Serge Biechlin. Un employeur et un patron reconnus responsable par la justice d’appel le 24 septembre 2012 de l’explosion qui a ravagé Toulouse voilà douze ans. C’était le 21 septembre 2001. Le hangar 221 explosait, entraînant la mort de 31 personnes, blessant 5 000 civils et provoquant des millions d’euros de dégât.

Demain devant la Cour de cassation, à Paris, les avocats du groupe pétrolier essayeront de convaincre les juges qu’il faut renvoyer devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC. Cette question critique l’article 121-3 du code pénal, cité par les juges de la cour d’appel de Toulouse pour asseoir la condamnation de Serge Biechlin, directeur de l’usine lors de l’explosion. « Cette notion de faute caractérisée est floue, insuffisamment définie, une auberge espagnole où tout le monde met ce qu’il veut » soutient l’avocat de Total, Me Daniel Soulez Larivière. À ses yeux, ce délit « étrange rend impossible l’exercice normal des droits de la défense ».

Une position qui fait sourire les avocats des victimes de la catastrophe. En effet cette loi, modifiée en juillet 2010, l’a été sous l’influence notamment des industriels. « Auparavant, une simple faute suffisait à obtenir la condamnation d’un responsable, industriel ou politique. Aujourd’hui elle doit être caractérisée », explique Me Thierry Carrère, défenseur d’une association de victimes. Du coup Me Stella Bisseuil, avocate de nombreuses victimes de l’explosion ironise : « Total s’en prend à une loi qui limite déjà la responsabilité des dirigeants. Il voudrait être totalement exonéré ! »

Dans son avis, le procureur général près de la Cour de cassation s’oppose au renvoi de la QPC. Il estime dans ses conclusions : « Cette question ne présente pas à l’évidence un caractère sérieux ». La Cour tranchera. Elle a trois mois pour se prononcer. Depuis l’instauration de cette possibilité juridique, la Cour de cassation s’est très majoritairement opposée à la transmission (84 %).

La défense de Total use ici de questions de forme, de droit. Cela est encore le cas dans le pourvoi qui a été annoncé dès la décision de condamnation connue et qui a été officiellement déposé au début de l’été. Une mémoire de 330 pages où la défense du groupe pétrolier soulève de nombreux griefs. En premier lieu la « partialité » supposée de la cour. Lors des débats, les avocats des prévenus avaient notamment réclamé, en vain, la récusation d’un assesseur à l’issue d’un incident d’audience. Cette autre étape judiciaire devrait intervenir dans le courant de l’année 2014. Si la chambre criminelle de la Cour de cassation juge les griefs de Total recevable et casse la condamnation de Grande Paroisse et de son directeur de l’époque, il faudra, alors, organiser un troisième procès.

« Troisième ligne »

« Avec cette QPC, Total propose une troisième ligne de défense, analyse Me Thierry Carrère. Ils ont d’abord expliqué que cela ne pouvait pas s’être passé comme la justice le pensait. Sans succès. Deuxième ligne avec le pourvoi : les juges qui le sont condamnés non seulement appliquent mal la loi mais en plus sont partiaux. Enfin aujourd’hui la troisième, la loi qui fonde la condamnation de Serge Biechlin, pas de Grande Paroisse, n’est pas conforme à la Constitution. On verra. »

ladepeche.fr - Jean Cohadon


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes