Accident de Brétigny : les anomalies de l’enquête préliminaire

Deux mois après le déraillement du train 3657 survenu le vendredi 12 juillet et qui effectuait la liaison entre Paris-Austerlitz et Limoges, l’enquête judiciaire avance. Mais dans un climat de tension entre les juges en charge de l’instruction et le parquet d’Évry, selon les documents qu’a pu consultés Le Figaro. Il faut rappeler que les magistrats Caroline Davroux, Aurélie Poirier et Philippe Devoucoux avaient été nommés douze jours après l’accident qui a coûté la vie à sept personnes et suite à une enquête préliminaire. Le 24 juillet, le procureur d’Évry avait finalement choisi d’ouvrir une instruction des chefs d’« homicides involontaires » et de « blessures involontaires ».

Climat tendu entre juges et procureur

Preuve notamment de ce climat tendu, l’absence du procureur lors du premier déplacement sur les lieux du déraillement des magistrats instructeurs le 25 juillet. Lors du deuxième déplacement le 27 août, il n’est venu qu’une vingtaine de minutes.

Lors de leur inspection à la gare de Brétigny-sur-Orge le 25 juillet, outre les deux cadres de la SNCF présents sur place, les juges étaient accompagnés de trois experts : Michel Dubernard (qui a notamment travaillé sur l’explosion d’un tramway à Clermont-Ferrand en 2011), Pierre-Edmond Christian Henquenet (qui a longtemps travaillé à la maintenance chez Eurotunnel), donc deux spécialistes expérimentés du ferroviaire et Robert Hazan, spécialiste de l’automobile. L’enquête préliminaire a laissé des traces et n’a semble-t-il pas brillé par son professionnalisme, comme en témoignent les petites phrases distillées par les magistrats inspecteurs dans le rapport de ce transport sur place du 25 juillet. Il y a d’abord l’histoire de la bâche déployée sur les lieux après l’accident. Les juges écrivent : « l’aiguillage placé sous scellé n’est nullement sécurisé et accessible à de nombreuses personnes : ouvriers, agents SNCF. Les clôtures d’accès à ce site sont en outre facilement franchissables ». Les magistrats instructeurs prennent alors la décision d’organiser le déplacement de l’aiguillage sur un site sécurisé, en l’occurrence la base aérienne de Brétigny. Autre exemple : « constatons que sur l’un des rails(observations réalisées après le débâchage de l’aiguillage, NDLR) une fiche cartonnée plastifiée de scellé judiciaire a été fixée par des scotchs portant la mention Police nationale. Scellé. Ne pas ouvrir ». Exemple encore : la numérotation SNCF des wagons accidentés « ne correspond pas à la numérotation des scellés ». Enfin, une cadre de la SNCF « remet un élément de disque de frein découvert dans le bureau d’un agent SNCF et pouvant provenir de l’une des voitures du train Corail 3657. Les enquêteurs placent cette pièce sous scellé ». Ce même jour, Michel Dubernard « marque à l’aide d’une craie jaune les anomalies constatées visuellement au cours d’un premier examen dans l’urgence. L’expert en dénombre au moins 40 » (fissures, manques de boulons, NDLR).

Problèmes de nivellement du terrain à proximité du lieu de l’accident

La décision du procureur d’Évry de refuser aux juges la délivrance d’un réquisitoire supplétif pour « mise en danger de la vie d’autrui » explique également ces tensions. Dans un courrier aux juges, le parquet expliquait, le 19 août, que les éléments lui paraissaient insuffisants pour une telle requalification pénale. En revanche, il délivrait un supplétif pour « blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement sans incapacité totale de travail », qui permet aux passagers du train et aux personnes présentes sur le quai de la gare de se porter partie civile même s’ils n’ont pas de blessures ayant entraîné une incapacité totale de travail.

Outre les analyses métallurgiques qui vont intervenir prochainement sur l’éclisse, cette pièce métallique d’une dizaine de kilos à l’origine du drame, l’enquête devra se pencher sur les problèmes de nivellement du terrain à proximité du lieu de l’accident. Fin juin, la SNCF avait dû effectué des travaux sur un aiguillage, précisément à cause de tels soucis de nivellement.

Anne Jouan, Lefigaro.fr - 11 septembre 2013


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