Accident de Brétigny : le rapport qui accable la SNCF

C’est un document qui relance la piste du problème de maintenance et d’entretien dans la catastrophe ferroviaire du 12 juillet dernier à Brétigny-sur-Orge (Essonne). Le 22 juillet, Guillaume Pepy, le patron de la SNCF, remettait à la justice un rapport interne, que Le Figaro a consulté, sur les circonstances de l’accident.

Dans une lettre jointe au rapport, le PDG écrit que « cet audit a été réalisé par la direction des audits de sécurité pour le seul compte du président de la SNCF et aux fins de l’enquête en cours ».

Dans ce rapport confidentiel de 16 pages, la SNCF note tout d’abord que le train qui a déraillé était composé de sept voitures Corail, qu’il y avait à son bord 385 voyageurs et qu’il mesurait 202 mètres de longueur pour un poids de 419 tonnes.

La partie la plus intéressante se situe page 7 et concerne ce que la SNCF appelle la « traverse jonction double (TJD) immatriculée OT U50 0J013, 01-06 n° 11 301 ». Il s’agit en fait de l’aiguillage sur lequel la fameuse éclisse (pièce métallique servant à raccorder deux rails), à l’origine du déraillement, était fixée.

« Cette TJD est implantée dans une zone d’installations complexes soumises à de fortes contraintes et sollicitations liées à la densité du plan de voies, à la vitesse de franchissement et à la fréquence des circulations. Cette TJD a été posée en 1991. L’échéance de renouvellement d’un appareil de ce type est de l’ordre de 25 ans. Son remplacement était programmé pour 2016 », écrit la SNCF.

À propos des boulons, le rapport note qu’il y avait quatre trous dans l’éclisse qui s’est retrouvée dans le cœur de l’aiguillage.

Pour les trous 1 (côté Paris) et 2, les boulons avaient récemment rompu, l’un au niveau de la tête, l’autre au niveau du filetage. « Trou 3 : boulon et écrou non présents, trou de l’âme du cœur oxydé. Les enquêteurs privilégient une absence antérieure de ce boulon depuis une date que les expertises métallurgiques devront pouvoir préciser. Trou 4 : boulon bien en place, a servi de pivot dans la rotation de l’éclisse », peut-on lire. Et les experts SNCF de conclure qu’il apparaît du fait de l’oxydation de l’acier « très probable que l’absence du boulon numéro 3 est sensiblement antérieure au déraillement ».

Les experts relèvent également des fissures au niveau du rail. « On constate la présence d’une fissure étoilée autour du trou 4, se propageant jusqu’au trou 3. Des parties de ces fissures présentent des traces d’oxydation pour lesquelles les expertises métallurgiques devront pouvoir préciser l’ancienneté. » De plus, sur les quatre trous du joint symétrique de celui qui a causé le déraillement, les experts SNCF ont constaté qu’il y avait deux boulons mal serrés, un boulon absent et un boulon sans écrou.

Quand Guillaume Pepy organise une opération communication le 24 juillet dernier en convoquant la presse, il sait donc qu’il manquait un boulon sur l’éclisse bien avant l’accident, mais il ne le dit pas, invoquant le secret de l’instruction. Deux jours après le drame, il déclarait pourtant : « Notre rôle à Réseau ferré de France et à la SNCF est d’apporter des informations en toute transparence. »

Lors de la dernière inspection réalisée le 4 juillet dernier, huit jours avant l’accident, aucune anomalie n’avait été signalée. Lors de son audition par la police judiciaire le 18 juillet, le cheminot qui a inspecté les voies relate sa visite, notamment celle de l’aiguillage en cause à Brétigny.

Question des policiers : « Suite à votre examen visuel, avez-vous relevé quelque chose d’anormal ou qui nécessitait d’être signalé ? » Réponse : « Non, je n’ai rien remarqué d’anormal au niveau de cet appareil. »

Question : « S’agissant de cet appareil de voie, y avait-il des mentions faites préalablement à votre examen visuel du 4 juillet 2013 et à l’issue de votre examen, avez-vous consigné dans votre rapport de tournée des observations ? » Réponse : « Il y avait concernant cet appareil de voie une observation qui figurait dans le dossier. Un défaut de nivellement avait été mis à jour à l’œil nu et ce défaut a été confirmé par des engins de mesure. Il s’agit d’un défaut avéré depuis de nombreuses années et, tous les deux ou trois mois, les engins de mesure passent pour vérifier le nivellement. »

Si aucun problème n’a été observé le 4 juillet et que d’après les constatations post-accident, il apparaît néanmoins qu’il manquait un boulon à l’éclisse avant le déraillement, cela signifie-t-il que le boulon a disparu entre le 4 juillet et la date de l’accident ? Ou que le boulon n’était pas présent lors de l’inspection de début juillet, autrement dit que le cheminot n’a pas relevé son absence ? Enfin, ce problème de nivellement sur les voies, et ce à l’endroit même de l’accident, a-t-il un lien avec le déraillement ? C’est à ces questions que vont devoir répondre les juges en charge de l’instruction.

lefigaro.fr - 23 septembre 2013


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