Kenya : les deux Françaises tuées étaient originaires de Nice

Le luxueux centre commercial de plusieurs étages de Nairobi était un lieu de rendez-vous prisé des expatriés dont faisait partie l’une des Françaises tuée samedi. Selon les informations de RTL, cette dame âgée d’une cinquantaine d’années, artiste peintre d’origine niçoise bien connue des expatriés du pays, était installée au Kenya avec son mari, propriétaire d’un complexe hôtelier.

Sa fille, âgée d’une vingtaine d’années, était venue en vacances rendre visite à ses parents. Mère et fille ont été froidement abattues alors qu’elles retournaient à leur voiture. « Deux de nos compatriotes ont été lâchement attaquées, exécutées sur le parking du centre commercial où elles venaient faire leurs courses », a expliqué Hélène Conway-Mouret, la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

Cinq autres Français se trouvaient à l’intérieur du centre commercial au moment de l’attaque, mais ils ont réussi à prendre la fuite et à échapper aux assaillants islamistes. « Ils sont sous le choc », a assuré la ministre déléguée aux Français de l’étranger Hélène Conway-Mouret sur BFM-TV. Selon elle, l’un d’eux est hospitalisé après avoir été blessé par balles, mais « ses jours ne sont pas en danger ».

Au moins deux Canadiens, dont une diplomate, figurent parmi les 43 personnes tuées, selon un bilan encore provisoire. Nommée Anne-Marie Desloges, la diplomate âgée de 29 ans travaillait au service Citoyenneté et Immigration de l’ambassade canadienne.

Elle faisait partie de la fonction publique depuis 2008. Plusieurs ressortissants américains ont été blessés mais aucun n’a été tué, selon le secrétaire d’État John Kerry. Il a toutefois signalé le décès de l’épouse d’un diplomate américain. Londres indique de son côté qu’au moins trois Britanniques comptent parmi les victimes. Au moins 200 personnes ont été blessées, âgées de 2 à 78 ans. Leur nationalité n’est pas encore connue.

Le poète et homme d’État ghanéen Kofi Awoonor a aussi été tué dans l’attaque. « Je suis choqué d’apprendre la mort de Kofi Awoonor dans l’attaque terroriste du centre commercial de Nairobi. Quel triste coup du destin », a déclaré le président John Dramani Mahama dans un communiqué.

« Ils ont tenté de me tirer dans la tête »

Les survivants à l’attaque livrent des témoignages glaçants sur la violence de l’assaut. Umar Ahmed, 18 ans, profitait d’un agréable samedi quand le commando shebab a fait irruption, massacrant des dizaines de personnes. « J’étais sur le toit du Westgate Mall, dans le parking. Soudain, j’ai entendu des cris et des coups de feu partout », raconte-t-il depuis son lit de l’hôpital MP Shah, où il est soigné pour des brûlures aux mains et à la poitrine.

« J’ai eu peur. J’ai essayé de descendre les escaliers mais j’ai vu quelqu’un au contraire foncer vers les étages, j’ai fait demi-tour et me suis caché à mon tour », se souvient-il. Il dit s’être allongé au sol, faisant le mort. L’un des assaillants s’est approché, l’a observé pendant d’interminables secondes. « Heureusement, il a fini par partir », dit-il. « Après un moment, la police est arrivée et nous avons été évacués. »

Un autre survivant, Jay, dit avoir vu les shebab rassembler des clients, leur poser des questions - probablement pour savoir s’ils étaient musulmans - et en exécuter certains. « Ils parlaient quelque chose qui ressemblait à de l’arabe ou du somali », selon Jay. « J’ai vu des personnes être exécutées après qu’on leur a demandé de dire quelque chose. »

Kenneth Kerich faisait lui aussi tranquillement ses courses lorsque les balles ont sifflé et la panique a éclaté dans des hurlements : pères de famille courant en tous sens avec leurs enfants dans les bras, fuyards à la recherche désespérée d’un abri, victimes ensanglantées et agonisantes sur le sol, les visages crispés par la peur ou la douleur.

« Soudain, j’ai entendu des coups de feu et tout le monde s’est mis à courir. Je me suis allongé au sol. J’ai vu deux personnes tomber et saigner, je pense qu’elles ont été touchées par des balles », a-t-il raconté après avoir réussi à fuir le carnage. « Au départ, nous pensions que c’était la police qui affrontait des voleurs. Mais nous n’avons pas pu nous enfuir avant que les policiers n’entrent (dans le centre commercial), tirent en l’air et nous disent de sortir », d’après M. Kerich.

Sudjar Singh, employé du centre, s’en est sorti de justesse : « Les hommes armés ont tenté de me tirer dans la tête mais ils m’ont manqué. Au moins 50 personnes ont été touchées » par des balles, a-t-il estimé. Dans sa tête, une image qu’il n’oubliera pas : le cadavre d’un enfant en train d’être évacué du centre commercial, un imposant bâtiment beige rectangulaire. « Le petit garçon était évacué sur un chariot, il devait avoir cinq ou six ans. Il avait l’air mort », se souvient-il.

Nahashon Mwangi était à son travail lorsqu’il a reçu un appel désespéré de son fils, piégé d’interminables heures dans le centre commercial de Nairobi attaqué par un commando islamiste. « Papa, je suis blessé au cou et à la main. Je saigne. Viens m’aider ! », le supplie son fils de 21 ans à l’autre bout du fil.

Le père saute immédiatement dans sa voiture et fonce vers le centre commercial Westgate, théâtre du drame. Se retrouvant coincé dans les embouteillages, il rappelle son garçon. « Ne m’appelle plus ! Je veux juste que tu me sortes d’ici. S’ils m’entendent parler, ils vont me tuer ! », lui dit son fils.

« Cela m’a pris une heure pour arriver là-bas », poursuit Nahashon Mwangi. Mais la police a bouclé la zone. « Je pleurais et suppliais les policiers de me laisser sauver mon fils. J’ai crié et pleuré comme un enfant mais ils ne m’ont pas laissé passer ».

Cinq longues heures plus tard, le fils de Nahashon Mwangi est finalement localisé : il a été évacué par les policiers et les militaires progressant prudemment mètre par mètre dans le centre commercial, magasin par magasin. Il a été transporté à l’hôpital universitaire Aga Khan et opéré en urgence. Son père « prie pour qu’il se rétablisse ». « Mais pourquoi ces gens nous ont fait ça ? », s’interroge-t-il.

lefigaro.fr - 22 septembre 2013


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