L’enquête sur le naufrage du chalutier "Bugaled-Breizh" en 2004 continue

Les familles des cinq marins pêcheurs morts dans le naufrage du Bugaled-Breizh au large du cap Lizard (Sud ouest de l’Angleterre), le 15 janvier 2004, ont obtenu un répit. Ils ont aussi retrouvé l’espoir de donner un nouvel élan au dossier. Alors que les proches des victimes craignaient un non-lieu, la cour d’appel de Rennes a ordonné, vendredi 27 novembre, un complément d’expertise qui lui permettra de se prononcer sur leurs demandes de compléments d’enquêtes. Les parties civiles souhaitent en effet faire reconnaître la collision du chalutier avec un sous-marin : une des thèses développées au cours de l’enquête.

Dans son arrêt, vendredi, la cour d’appel de Rennes a désigné Dominique Salles, expert sous marinier et ancien commandant de l’escadrille des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, pour trancher d’ici au 31 mars 2010.

Celui-ci devra dire "s’il s’est produit un événement particulier ou (...) s’il existait ce jour-là des raisons objectives justifiant la présence, sur la zone du naufrage, d’un ou plusieurs sous-marins nucléaires d’attaque appartenant à l’une ou l’autre des Nations détenant ce type de bâtiment".

Impliqué de longue date dans l’enquête en sa qualité d’expert, M. Salles avait estimé, dans un rapport antérieur, qu’un accrochage entre le chalutier avec un sous-marin était "la cause la plus probable" du naufrage du Bugaled-Breizh, survenu en quelques minutes par 87 mètres de fond dans les eaux internationales au sud-ouest des côtes britanniques. Le chalutier breton opérait en effet en ce jour de janvier 2004 dans une zone où se déroulait un exercice de la marine britannique, tandis que des manoeuvres maritimes de l’OTAN y étaient prévues le lendemain.

Ecartant la responsabilité de sous-marins classiques dans ce drame, M. Salles avait évoqué la possibilité qu’un "sous-marin nucléaire d’attaque" (SNA) se soit invité clandestinement dans les parages afin d’espionner les exercices. Dans cette hypothèse, le submersible aurait pu s’empêtrer dans les câbles tirant le chalut du Bugaled-Breizh pour finalement l’entraîner par le fond.

Mais selon d’autres experts, un accident "par croche" (le chalut qui s’accroche à un obstacle en raclant le fond) a pu être la cause du naufrage.

La justice ne s’est pas montrée davantage unanime. En avril 2008, considérant que "le seul dossier apportait tous les éléments pour constater un accident de pêche sans cause extérieure", le procureur de la République de Quimper (Finistère) avait rendu un réquisitoire de clôture du dossier. Fin 2008, la juge d’instruction du tribunal de Quimper en charge de l’affaire avait, elle, renoncé à poursuivre des investigations qu’elle désespérait de voir aboutir à cause du "niveau de secret (défense> dont la levée ne peut être systématiquement acquise".

Vendredi, la cour d’appel de Rennes a infirmé cette décision choisissant selon Me Christian Bergot, avocat de plusieurs familles de victimes et du Comité des pêches du Guilvinec, "une solution intermédiaire et provisoire".

"Implicitement, la cour a demandé au même expert s’il y a des raisons objectives que des SNA russes ou américains se soient trouvées sur zone à l’époque, a décrypté Me Bergot, et il devra répondre par oui ou par non, essentiellement sur la base de son intime conviction." Pour Me Bergot, "la cour n’a pas voulu importuner la Russie et les Etats-Unis avant de disposer de l’avis technique officiel de ce professionnel et militaire".

Une réponse par la négative de M. Salles déboucherait sur un non-lieu. Une réponse par l’affirmative permettrait en revanche de lancer des commissions rogatoires internationales à destination de Moscou et de Washington afin qu’elles révèlent la position de leurs sous-marins nucléaires d’attaque à la date du drame. Une mesure dont le succès déprendrait largement, selon Me Bergot, de "la collaboration diplomatique consentie".

Le ministre de la défense, Hervé Morin a, pour sa part, indiqué qu’il recevrait rapidement les familles parties civiles dans ce dossier, afin de faire le point sur la déclassification des documents Secret défense.

Source : Le Monde, le 28/11/09.


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