Accident de Brétigny : un Etat responsable

Un moment rare. Rare parce qu’il réunissait 250 personnes qui ont vécu la même catastrophe, mais dont la douleur post-traumatique appartient à chacune d’entre elles. Rare parce qu’il est peu de rassemblements d’une telle richesse d’individus : quel autre lieu qu’un train peut-il prétendre, par la magie de la statistique, rassembler des profils, des histoires, des appartenances aussi variés. Rare aussi parce que l’on a pu voir ce que l’appareil d’État et ses satellites sont capables de faire lorsqu’ils y mettent les moyens et la manière.

La justesse reste un art difficile

Un bâtiment de la République recevait donc ce samedi à Paris les victimes de l’accident ferroviaire de Bretigny survenu le 12 juillet dernier. Les évidences d’abord, mais elles sont utiles à rappeler, en ce qu’en ce genre de circonstances, la justesse est un art difficile : que le buffet ne prenne pas les airs d’une réception festive, maladroitement réparatrice, que les sourires des hôtes n’enlèvent de la gravité au moment, que leurs uniformes noirs n’aggravent encore la tristesse et le malheur qui planaient sur les visages, n’était justement pas une évidence.

Les paroles échangées au hasard de rencontres semblaient pleines. Réconfortantes, anecdotiques, plaintives, peu importe. Elles étaient là. Comme le seront dans la salle toutes les autorités au plus haut niveau concernées par la catastrophe. Pascal Cuvillier, le ministre des Transports, la patron de Réseau Ferré de France, le procureur de la République d’Evry qui a ouvert l’information judiciaire, le responsable du Bureau d’Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre… Les responsables.

Les inévitables bavures commises pendant une telle catastrophe

La responsabilité, fil conducteur de cette rencontre. Celle de la bonne mise en œuvre des indemnisations, celle de la conduite des enquêtes. Celle enfin de la SNCF, que son président, Guillaume Pepy, a une nouvelle fois explicitement assumée. Et qu’il n’a pas fuie lorsque des voix se sont élevées pour relayer les inévitables bavures commises pendant une telle catastrophe.

L’anecdotique : un Paris-Rodez pris pour rapatrier une victime que la cellule de prise en charge de la SNCF refusait de rembourser parce que c’était…un billet d’avion. « C’est une faute. Je vais donner des instructions pour qu’il n’y ait plus d’obstacles à ce genre de demandes ».

"Ce document va être donc être refait en partenariat avec les associations de victimes"

Plus grave : le document envoyé aux victimes par un cabinet en charge de recueillir les préjudices corporels et matériels en vue d’une indemnisation était jugé mal fichu par plusieurs intervenants. « Je constate qu’il y a un malaise. Ce document va être donc être refait en partenariat avec les associations de victimes. » a tranché Guillaume Pepy.

Terriblement douloureux enfin lorsque un homme se lève et explique avec une dignité presque inexplicable qu’il a appris le décès de sa fille par la voix officielle à 22h40 après en avoir eu connaissance par les médias. Et le procureur de décrire avec une précision d’horloger, comme il le fera sur d’autres sujets, les procédures en la matière pour aussi rappeler l’obligation qu’il s’est toujours imposée de ne rien dire ou laisser dire sur des sujets aussi graves tant qu’il n’a pas de certitude absolue.

Les « responsables » devront régulièrement rendre des comptes

Il restera bien sûr de cette rencontre des frustrations, des interrogations, des incompréhensions tant les méandres des procédures peuvent sembler insondables à beaucoup. L’honnêteté impose de dire qu’il ne pouvait en être autrement. Et qu’inlassablement les « responsables » devront régulièrement rendre des comptes comme l’a suggéré une des victimes.

Débusquer les contradictions entre un discours affiché et la réalité des faits

Un mot encore. L’auteur de ces lignes n’assistait pas à cette réunion en qualité de journaliste (la rencontre était fermée à la presse) mais au titre de compagnon d’une des personnes qui voyageaient à bord de la voiture 2, celle qui est « montée » sur le quai de la gare. Et n’avait pas prévu d’en rendre compte. Il a jugé utile d’en faire autrement.

C’est en effet notre métier de journaliste de chercher ce que l’on croît dissimulé volontairement ou non, de débusquer les contradictions entre un discours affiché et la réalité des faits, de rendre compte d’une injustice lorsque des citoyens sont confrontés à une machine administrative ou judiciaire qui les laisse au mieux dans l’incertitude, au pire à l’abandon, enfin de contraindre les pouvoirs quels qu’ils soient à davantage de transparence.

Une vérité la plus complète possible

C’est aussi de notre métier de reconnaitre que la façon dont les suites d’une catastrophe apparaissent aussi bien gérées qu’elles méritent de l’être. Avec bien sûr son lot de maladresses, d’insatisfactions et d’impatience des uns et des autres, d’incertitudes sur les échéances.

Mais c’est le prix pour que la lumière sur cet épouvantable drame ne soit entachée d’ombres, pour que les victimes qui, rappelons-le, ne se remettront jamais tout à fait de cet accident quelque soit la gravité physique ou psychologique de leurs blessures, soient convaincues d’une vérité la plus complète possible.

latribune.fr Eric Walther - 30 septembre 2013


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