L’Espagne contrainte de relâcher une etarra

Tournant. En 2006, le Tribunal suprême à Madrid avait ratifié ce qu’on a baptisé la « doctrine Parot », du nom d’un prisonnier basque dont le cas avait fait jurisprudence.

Pour simplifier, cette doctrine ne reconnaît pas les réductions de peine - obtenues grâce à la bonne conduite et aux travaux en prison - ni le plafonnement de la réclusion, et chaque personne condamnée doit payer pour chacun de ses crimes. Et tout cela peut s’appliquer de manière rétroactive. Ce tournant juridique avait bloqué les sorties de prison d’un certain nombre d’etarras et mis du baume au cœur d’une opinion publique favorable à la plus grande fermeté pour les 600 prisonniers basques. Le verdict de la Cour européenne juge que la doctrine Parot « porte atteinte aux droits de l’homme » et oblige Madrid à revenir à la situation antérieure.

ETA a beau avoir officiellement renoncé aux attentats il y a deux ans (le dernier remonte à mars 2010, après 829 assassinats en quarante ans), l’atmosphère demeure électrique, alimentée par les associations de victimes et les médias de la droite dure, pour qui le verdict européen est une « insulte à la mémoire des morts » et un « acte de faiblesse à l’égard des terroristes ». « Indignation, dégoût, colère, rage, impuissance… c’est tout cela que nous ressentons », a réagi Angeles Pedraza, présidente de l’Asociación de víctimas del terrorismo. Hier, en revanche, dans les milieux indépendantistes basques et au sein du parti Sortu, on ne cachait pas sa joie. Leur principal objectif est désormais de convaincre ETA de se dissoudre, de rendre les armes et d’accepter une « réponse judiciaire individuelle » à chaque prisonnier, comme le souhaite Madrid, et non une amnistie générale, comme le veulent les séparatistes armés.

« Triste ». Les craintes du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy - « triste après un tel verdict » mais qui « respectera cette décision » - ne s’arrêtent pas là. Car l’annulation de la doctrine Parot devrait aussi s’appliquer à au moins 56 prisonniers membres d’ETA, dont les crimes de sang remontent aux années 80, comme Inés del Rio, et qui, ayant été jugés selon l’ancien code pénal de 1973, devraient aussi être bientôt libérés. Or, ces sorties de prison massives, c’est bien ce que l’exécutif Rajoy veut éviter à tout prix. Le gouvernement entend au moins s’attacher à éviter toute provocation de nature à échauffer plus encore les esprits : « Nous serons d’une fermeté absolue si les terroristes libérés sont accueillis en héros chez eux ou si ceux-ci osent le moindre propos d’apologie du terrorisme. »

libération.fr avec François Musseau - 22 occtobre 2013


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